Minata GUELWARE, Léonce KONE, Adama OUEDRAOGO, dit Damis et Me Hermann YAMEOGO, poursuivis dans le dossier dit de Gilbert DIENDERE et 83 autres portant notamment sur l’atteinte à la sûreté de l’Etat et ses conséquences prévisibles constatées lors du putsch de septembre 2015 portent plainte contre les Juges d’instruction et les membres du Parquet du Tribunal Militaire de Ouagadougou et dénoncent des manquements dans la conduite de l’instruction du dossier, notamment la falsification des procès-verbaux d'instruction.
Se fondant sur les dispositions de l’article 33 de la Loi organique No 049-2015/CNT, du 25 Aout 2015, portant organisation, composition, attributions et fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature, ces civils tapent à la porte du Conseil Supérieur de la Magistrature afin que celui-ci se penche sur l’instruction du dossier qui a conduit 84 accusés à la barre du juge Seïdou Ouédraogo.
De cette plainte, tout serait parti de l’interrogatoire du Sergent Badoun Lamoussa le 28 août dernier où le Parquet a lu à l’intéressé le texte d’une déposition qu’il aurait faite devant le Juge d’Instruction lors de sa comparution sur le fond. Le Parquet ayant relevé que les propos qu’il aurait tenus, en cette circonstance, différaient de la version des faits qu’il avait relatée lors de sa première comparution devant le Juge d’Instruction et qu’il confirmait durant son interrogatoire devant le Tribunal. L’accusé réaffirma qu’il n’avait pas fait la déclaration qui lui était prêtée par le Parquet, bien que celle-ci figurait étrangement dans le procès-verbal de son interrogatoire au fond devant le juge d’Instruction, revêtu indûment de sa signature, en plus de celle du magistrat instructeur. Après avoir consulté son dossier, l’avocat du sergent Badoun, Me Stéphane Ouédraogo, manifesta sa surprise parce qu’il venait de découvrir que cette déclaration, contestée par son client, était absente du procès-verbal d’interrogatoire que lui-même avait reçu du Parquet. Vérification faite, séance tenante, par le Président de la Chambre, il s’avéra que ladite déclaration était contenue dans la version du procès-verbal dont disposaient à la fois le Parquet et le Président lui-même, tandis qu’elle n’existait pas dans celle que détenait l’avocat. Sans fournir d’explication sur la disparité du contenu des procès-verbaux, le parquet appuyé par le tribunal ont décidé de continuer les interrogatoires, malgré cet incident et ont posé un refus catégorique devant la volonté du conseil de l’accusé de prendre connaissance par lui-même et de visu du texte qui venait d’être lu par le Parquet, qui ne figurait pas à son dossier, afin de comprendre comment une telle anomalie pouvait exister et pour s’assurer qu’il n’y avait pas d’autres discordances entre le procès-verbal dont il disposait et celui que détenait le Ministère Public.
Pour les plaignants donc tout prête à croire que le Parquet a fait usage, dans cette circonstance, d’un procès-verbal entaché de faux. Tout en dénonçant une parodie de justice et de l’arbitraire dans la conduite de ce dossier, ils martèlent que cet incident est symptomatique des graves déviations que nous avons observées depuis le début de cette procédure, par rapport aux règles du « procès équitable » et aux garanties minimales qu’exige le respect des droits de la défense dans une Justice sérieuse, impartiale, soustraite des influences politiques.
Pour eux, il est manifeste qu’une pièce de l’instruction a été altérée, dans des conditions qui créent le soupçon que cette falsification résulte d’un acte volontaire et non d’une erreur matérielle. Ils estiment par ailleurs que les propos mensongers qui ont été introduits dans la déclaration de l’accusé Badoun Lamoussa, à son insu et en les couvrant de sa signature, constituent un manquement grave à la régularité de la procédure et à la déontologie de la profession de magistrat.
En tout état de cause, leur conviction est que « le refus arrogant du Parquet d’accepter un examen du document litigieux par la partie adverse est une violation outrancière des droits de la défense ». « Lorsqu’un manquement de cette nature est commis devant un tribunal et dans une affaire aussi grave, la sagesse et l’honnêteté commandent que tous les moyens soient mis en œuvre pour apporter la lumière sur les tenants et aboutissants d’un tel incident, afin que la suite de la procédure puisse se dérouler dans un climat de confiance », estiment-ils.
Ils sont par ailleurs à la lumière de cet incident, confortés dans leur crainte d’être soumis à une justice sectaire, arbitraire, assujettie à un dessein de vengeance politique, peu soucieuse du droit et de l’équité s’est confirmée par « la décision du Président de la Chambre de minimiser la portée de cet incident, en le gommant de la procédure, comme s’il s’agissait d’une erreur insignifiante ». Toute chose qui les convainc que ce procès n’est qu’une entreprise de règlement de comptes politiques.
Au nom du droit à une justice équitable et impartiale que leur confère les dispositions juridiques nationales et internationales, les plaignants en adressant cette plainte et dénonciation au Conseil de Discipline de la Magistrature, disent vouloir se conformer à la loi, en usant de la voie de recours légale dont ils disposent pour faire sanctionner, le cas échéant, ce qu’ils considèrent comme une faute disciplinaire probable, commise par des magistrats. Au regard de la gravité de ce qu’ils dénoncent, ils ont fait ampliation de leur plainte au Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Burkina, car ils estiment que les faits qui sont rapportés interpellent l’ensemble des membres de la profession d’avocat, en ce qu’ils mettent en péril l’exercice des droits de la défense au Burkina Faso et l’aspiration à une justice équitable pour tous et aux Barreaux des pays membres de l’UEMOA et de l’OHADA.