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Subvention de produits alimentaires : Certains détaillants pensent que le gouvernement déplace les problèmes

imprt uneLa cherté des produits a atteint des proportions si inquiétantes que le gouvernement s’est vu obligé d’intervenir. Il s’est ainsi engagé, auprès des acteurs économiques, à prendre en charge les droits de douane de trois produits alimentaires à hauteur de 14,3 milliards de F CFA. Ce qui permettra de réduire le prix de ces produits. Pour certains détaillants, les boutiquiers en l’occurrence, c’est la solution au problème. Pour d’autres, par contre, cela ne changera pas grand-chose. Il aurait été préférable de se concentrer sur les indicateurs qui exacerbent cette inflation.

Soutongnooma Michel a sa boutique à la trame d’accueil de Ouaga 2000. Il nous renseigne qu’avant la crise, le riz brisure était à 21 000 F le sac de 50 Kg et 11 000 F le sac de 25 et que la qualité "longs grains" se vendait autour de 17 500 F le sac de 50 Kg et 9 000 celui de 25 Kg. Avec la crise, le riz brisure et le riz "longs grains" sont passés respectivement à 26 500 F et 21 000 F les sacs de 50 Kg. Pendant ce temps, le bidon de 20 litres d’huile est passé de 18 000 à 26 000 F et le sucre de 20 000 F à 28500 F le sac de 50 Kg. En conséquence les kilogrammes de riz et de sucre ont subi de légères augmentations et le litre d’huile une forte hausse. Ainsi, l’huile qui se vendait à 800F le litre se vend désormais à 1350 F.

Compaoré Alidou, commerçant à Banoogo, raconte que c’est une augmentation qui leur porte préjudice aussi bien dans le bénéfice réalisé que dans les relations avec les clients. « Les bénéfices ont diminué et les clients aussi nous font la gueule. Ils nous mettent dans le même sac que les grossistes. Et comme ils ne peuvent pas avoir les grossistes c’est sur nous qu’ils reversent la colère », a-t-il confié. Selon son explication, les bénéfices ont diminué d’abord parce que les clients ont réduit leur fréquentation mais aussi parce que les rendements du sac de riz ou de sucre ont baissé. « C’est 50 F qui s’ajoutent sur le kilo de riz. Donc en vendant on a 50 F multiplié par 50 Kg, ce qui donne 2500. Alors que le sac de riz a augmenté de 3500 F environ. On se retrouve avec un déficit de 1000 F. Sans oublier le fait que cette augmentation a découragé la consommation et que les produits mettent plus de temps, creusant davantage le trou dans nos caisses », a-t-il expliqué. C’est donc une période aussi bien pénible pour nous les consommateurs que les détaillants. Mais l’un n’imagine pas la peine de l’autre. Comme on dit, lorsqu’on jette une pierre, chacun protège sa tête.

Des détaillants réfractaires à l’idée de la subvention

Au-delà des ménages, les commerçants détaillants sont aussi affectés. C’est ce que l’on retient de l’explication d’Alidou Compaoré. Pour parer à l’urgence et avoir des prix acceptables, le gouvernement burkinabè, décide d’assurer une baisse des droits de douane à hauteur de 2,25 milliards de F CFA sur le riz importé, 3,4 milliards sur le sucre et 9 milliards sur l’huile. L’impact global de cette mesure sur le budget de l’Etat est de 14,3 milliards de F CFA. En revanche les grossistes devront réduire les prix de ces denrées pour aider les populations. imprt 2Une décision qui réchauffe le cœur des boutiquiers que nous avons rencontrés. Ils admettent en effet que quatre produits sont les plus consommés, notamment le riz, le sucre, l'huile et la farine de blé. De ce fait, si une baisse devait soulager les populations, ce serait certainement les prix de ces produits. Cependant, cette diminution serait-elle de nature à impacter les prix pratiqués au détail ? Voilà ce qui préoccupe nos interlocuteurs.

Ouédraogo Abdoul Ouahab pour sa part soutient : « Que l’Etat veuille subventionner les droits de douane des trois produits les plus sollicités, c’est une bonne nouvelle pour nous et pour les consommateurs. Cependant il faut qu’il s'assure que cela aura un impact significatif sur les prix de ces produits. Sinon ce serait peine perdue. Et ce serait des angoisses pour nous car les clients voudront ressentir cette baisse ». Il raconte que quand les prix ont connu la hausse les clients leur ont reproché d’en faire trop. Et pour lui, la nouvelle de la baisse des prix a été beaucoup médiatisée. C’est du fil à retordre que le gouvernement leur aura donné, si cette baisse ne permet pas une répercussion réelle sur les prix de détail. « Supposons qu’on diminue le prix du sac de riz de 1000 F. Cela ne nous permettrait pas de réduire le prix du kilo parce qu’il y a déjà un manque à gagner de plus de 1000 F », s’explique-t-il. De son avis, si la baisse consiste par exemple à diminuer 500 F sur un produit d'environ 25 000, autant ne pas gaspiller tout cet argent qui pourrait servir à des causes plus nobles avec un impact significatif.

Ce n’est pas là où le gouvernement devait concentrer ses efforts

L’ensemble des boutiquiers interrogés pensent que la solution à la hausse des prix ne réside pas dans la prise en charge des droits de douane. « Ce qu'ils sont en train de faire n'est pas la solution à l’inflation généralisée. Il y a plus urgent. Il faut aider les déplacés à retourner chez eux et le prix de tous ces articles va connaître une baisse ». C’est l’avis d’Alidou Compaoré, pour qui cette situation est liée à la pénurie de céréales, elle-même causée par le déplacement des populations, qui pouvaient cultiver pour se prendre en charge et alléger le poids de leur inactivité sur la crise alimentaire. En la matière il ne manque pas d’exemples. « Chez nous à Manga, il n'y a pas de terroristes ou de déplacés internes, mais aujourd'hui si l'on vous dit de trouver un sac de maïs même avec beaucoup d’argent, ce n’est pas évident. Il n'y en a même plus en vente », raconte-t-il. Pour lui, tout cela a été occasionné par la crise sécuritaire et non une saison défavorable comme le pensent d’autres. Il explique que même si une saison était défavorable les villageois faisaient des activités hors saison qui génèrent des revenus qui leur permettaient de nourrir leur famille. Donc pour lui, les préoccupations devaient être ailleurs. Il soutient qu’il y a des gens qui n'ont même pas à manger et qu’il faut veiller à ce que les produits alimentaires leur parviennent. Et en la matière les 14,3 milliards de F CFA pourront servir à quelque chose. « J'ai un ami à Dori ; il m'a raconté que là-bas, si vous vous asseyez chez une restauratrice pour manger, les personnes qui vont s’aligner pour vous observer atteindront trente. C'est à ces endroits qu'il faut mettre de tels efforts, si on veut vraiment réduire les prix » conclut-il.

Soutongnooma enfonce le clou. Pour lui, avec cette mesure les autorités donnent l’impression de personnes qui ne réfléchissent pas, ou qui ne se soucient guère de l’avenir. « Si aujourd’hui ils subventionnent ces produits et que demain à l’international les prix montent encore plus, leurs efforts auront été vains. Mais si cela vient trouver qu’on a des palliatifs, l’impact sera moindre voire sans effet. Supporter ces taxes, c'est reporter des problèmes et cela ne nous avancera ucunement. Au contraire c’est de l’argent à mettre dans les poches de quelques individus au détriment de la masse. Quatorze milliards ne sont même pas significatifs pour un seul des produits cités. C’est un faux débat à mon avis », s’indigne-t-il. Il soutient qu’à ce jour c’est environ la moitié de la population qui ne va pas cultiver à cause de l'insécurité. Si cette donne ne change pas la pauvreté ira en s’aggravant et la situation va aller de mal en pis. « Donc nous prions Dieu qu'il nous donne la force de pouvoir bouter le terrorisme hors de nos frontières afin que les choses se normalisent. Les Mossis disent c'est parce qu'il y a une tête que les yeux font mal. Si elle est coupée il n’y aura plus de maux d’yeux. Donc comprenons la prééminence de la tête et agissons dans ce sens », a-t-il imploré.

Etienne Lankoandé