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Interrogatoire du général Djibrill Bassolet : « Les écoutes téléphoniques ont été fabriquées et manipulées à dessein. Elles ne proviennent pas d'une interception téléphonique classique », Djibrill Bassolet

bassolé uneDjibrill Bassolet et ses avocats ont été déboutés ce vendredi 21 décembre 2018 dans leur requête de voir le tribunal surseoir à statuer avant que le Tribunal de grande instance (TGI) ne donne son verdict sur leur plainte pour instruction en faux de certaines pièces du dossier du putsch de septembre 2015. L’ex-ministre des Affaires étrangères était ainsi contraint de s’expliquer sur sa ligne de défense qui est de plaider non coupable. Dans sa narration des faits, il affirme que ces actions privées au cours des évènements du 16 septembre 2015 et jours suivants étaient en totale déconnexion avec l’action de l’arrestation des autorités de la Transition.

« Je ne reconnais pas les faits. Je plaide non coupable », avait déclaré le général de gendarmerie Djibrill Bassolet, dès l’entame de son interrogatoire dans le cadre du procès du coup d'Etat du 16 septembre 2015. Il lui est reproché les faits suivants : complicité d'attentat à la sûreté de l'Etat, meurtres, coups et blessures volontaires et trahison. « Je ne suis pas responsable de la première infraction qui est la complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, donc je ne peux pas être responsable des faits qui en sont connexes », a ajouté ce vendredi matin l’ancien chef d’état-major de la gendarmerie. Pour soutenir cette défense, il affirme que ces actions privées au moment des évènements n'ont absolument pas eu un lien de cause à effet avec le coup de force perpétré contre les autorités de la Transition cet après-midi du mercredi 16 septembre 2015.

Dans sa narration des faits, il affirme que le 16 septembre 2015, dès qu'il a eu vent de l'arrestation de Michel Kafando et de ses ministres, son premier réflexe a été de quitter Ouagadougou, car il n'ignorait pas les tensions qui existaient en ce moment, d'autant plus qu'il est un homme politique. Sa première destination a donc été Koudougou, la cité du Cavalier rouge, où il est resté durant les évènements pour suivre l’évolution de la situation. Selon ses déclarations, c’est le samedi 19 septembre 2015 qu’il a remis les pieds dans la capitale pour notamment transiter vers Niamey où il devait rencontrer le président Mamadou Issoufou sur sa demande. Avec le président nigérien, l’accusé soutient que leurs échanges ont seulement porté sur la situation nationale qui prévalait au pays des hommes intègres ; le chef de l’Etat du pays voisin et ami souhaitant surtout que le général Gilbert Diendéré qui s’était porté à la tête du Conseil national de la démocratie (CND), organe dirigeant des putschistes, accepte et suive la feuille de route et les recommandations de la CEDEAO pour une sortie de crise apaisée. « Quand je suis revenu le lendemain vers 8h, j’ai appelé le général Diendéré pour le rencontrer. Il m’a dit qu’il était à sa résidence à Koulouba. J’y suis donc allé pour lui faire le point de l’entretien que j’ai eu avec le président nigérien. Notre entretien n’a pas duré plus de 10 minutes et je suis reparti immédiatement à Koudougou. C’est le 25 septembre 2015 que je suis revenu à Ouagadougou, quand la situation s’était normalisée et les autorités de la Transition pleinement revêtues de leur pouvoir », a-t-il expliqué.

Toutefois, selon celui-là qui a été à un moment donné de sa vie, commandant du 5e commandement de gendarmerie, sa descente aux enfers a commencé précisément à cette période. En effet, de retour à Ouagadougou, il a vu tous ses avoirs gelés, sans une explication plausible. Par la suite, c'est-à-dire le 28 septembre 2015, un communiqué du gouvernement de la Transition a permis à la justice d’être sur son dos. Pour lui, c'est ce communiqué qui lui vaut toutes ces incriminations. Dans ce communiqué, il était question que le général Diendéré, soutenu par le général Bassolet, orchestrait une résistance au désarmement qui était en cours et avait pris certains éléments du RSP, opposés à cela, en otages.  « Le même soir, tout le secteur de ma résidence a été bouclé et encerclé et le 29 septembre 2015, j’ai été arrêté et déposé à la MACA », a-t-il confié.

Pour l’accusé, il est victime d’une chasse aux sorcières et d’un faux procès, car il y a une totale déconnexion de ses actions privées avec les évènements du coup d’Etat pendant la même période. De plus, il affirme que depuis l’instruction de ce dossier jusqu’à l’ouverture de ce procès, aucun inculpé ou témoin n’a eu à le citer pour quelque affaire entrant dans le cadre de la planification, de l’exécution et de la consommation du coup d’Etat. « Aucune déclaration de mes coaccusés ou de témoins ne me met en cause. Mieux encore, à votre barre aucun acte de ma complicité n’a été révélé par mes coaccusés. Pourtant si mon implication était avérée, au moins ne serait-ce qu’un coaccusé m’aurait cité », a-t-il martelé.


bassolé 2Pour montrer qu’il est blanc comme neige dans ce qui lui est reproché, le général Bassolet explique qu’il n’avait pas la teneur réelle de la situation de tension qui prévalait au sein du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) durant la période de la Transition. « Je n'ai jamais su ce qui se passait vraiment, même si je savais qu'il existait une tension vive au RSP pendant la Transition. Quand j'ai eu vent des évènements (arrestation des autorités de la Transition), j'ai cru que c'était une des énièmes crises de ce corps. A part ces perceptions, je n'ai jamais entendu parler de coup d'Etat... Le général Diendéré lui-même n'avait pas besoin d'un coup d'Etat. Je suis persuadé que s'il avait cela dans son agenda, il allait m'en parler, puisqu'on a toujours eu de bonnes relations... », a-t-il soutenu.

Concernant les différentes sommes d’argent qu’il a eu à faire sortir pendant les évènements du 16 septembre 2015 et jours suivants, l’ancien chef de la diplomatie burkinabè affirme que cela n’avait rien à voir avec le cours des évènements de l’époque et que ce furent des coïncidences si des personnes ont profité de sa largesse pendant ces évènements. « Pour le journaliste Adama Ouédraogo dit Damiss, je lui ai fait parvenir la somme d'un million de francs CFA, car je lui avais promis de le soutenir dans le cadre de la parution de son livre. L’argent que je lui ai remis n’a rien donc à avoir avec les évènements. C’était une coïncidence… Le jeune Ismaël Diendéré que je considère comme mon fils, m’a demandé de l’aider, car au regard de la situation, sa famille traversait des difficultés. J’ai appelé sa mère pour me rassurer que ce qu’il disait est une réalité et elle m’a confirmé ses propos. Je lui ai donc fait envoyer  la somme de 5 millions de francs CFA. Mais le vieux (Ndlr : le général Diendéré) n’était pas au courant », a-t-il expliqué.

Concernant les écoutes téléphoniques sur lesquelles se fondent toutes les charges du général de gendarmerie, l’accusé crie à la manipulation. «  Les écoutes téléphoniques ont été fabriquées et manipulées à dessein. Elles ne proviennent pas d'une interception téléphonique classique », soutient-il. Toutefois, il avoue au moment des faits avoir été en contact téléphonique avec des autorités ivoiriennes, notamment le président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro. « Avec Guillaume Soro, nous nous appelions régulièrement, particulièrement lorsqu’il y a des situations difficiles au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire. Nous nous appelions donc pour nous aider mutuellement. Au cours des évènements, je ne peux ni vous dire combien de fois nous nous sommes appelés, ni vous relater ce que nous nous sommes dit exactement. Mais il faut savoir qu’outre ma personne, Guillaume Soro était en contact avec tout le monde, y compris M. Zida dont j’ai pu faire la connaissance à travers lui. La tension vive entre les différentes unités de l’armée burkinabè nous inquiétait et nous recherchions des solutions ensemble. Nous avons beaucoup parlé de la DDR (Démobilisation-Désarmement-Réinsertion) pour arriver à la paix… C’est ce genre d’idées que nous échangions régulièrement pendant les évènements », a-t-il expliqué.

Il s’inscrit donc en faux contre les incriminations qui font état qu’en intelligence avec le président de l’Assemblée national, il aurait planifié l’invasion du Burkina Faso par des forces extérieures, notamment des djihadistes, afin de consolider la prise de pouvoir du président du CND. « Pourquoi on aurait voulu faire entrer des forces extérieures au Burkina Faso. Dans quel intérêt je l’aurais fait et pour soutenir qui ou quoi ? Si c’est le général Diendéré, dès le 17, il était dans des prédispositions d’abdiquer et de permettre au président Kafando de reprendre le pouvoir. Il n’y avait aucune raison pour moi de faire entrer des forces extérieures, surtout des mouvements étrangers qui ont du reste réussi la paix dans leur pays pour envahir le territoire », a-t-il martelé. Dans cette même veine, l’ex-ministre des Affaires étrangères estime que c’est un gâchis d’avoir inculpé le Malien Sidi Oumar, dont il dit avoir du reste fait la connaissance en milieu carcéral. « Je ne le connaissais pas. Sidi Oumar représente le symbole de la négociation que le Burkina Faso a assurée dans la crise au Nord-Mali... En cette période de lutte contre le terrorisme, sachons nous faire des amis... », a-t-il déclaré. Concernant les clans dont a fait cas le sergent Koussoubé lors de sa déposition à la barre, le général de gendarmerie ne s’y reconnaît pas. « Dans l’armée, il n’y a pas de nomenclature appelée clan. Personnellement, je n’en sais strictement rien. Mes différentes fonctions m’ont amené à fréquenter certains éléments du RSP, mais je n’ai jamais fonctionné sur la base de clans », a-t-il soutenu. Si d’autres estiment que ses accointances avec certains éléments du RSP, notamment le segent Koussoubé et le major Eloi Badiel, font qu’il pourrait être le cerveau du coup d’Etat du 16 septembre 2015, il s’inscrit aussi en faux contre cela. « Le major Badiel est mon compagnon de cellule. S’il y avait la moindre collusion avec lui, les autorités de la MACA n’allaient jamais nous mettre dans la même cellule », a-t-il noté.

Pour que le général Djibrill Bassolet puisse vider son sac, le président du tribunal a dû rendre son jugement avant dire droit sur la requête des conseils de l’accusé qui voulaient que le tribunal sursoie à statuer, le temps que le Tribunal de grande instance rende son verdict sur la plainte qu’ils ont déposée pour instruction en faux concernant certaines pièces du dossier bassolé 3(interceptions téléphoniques retranscrites par l'expert et la prestation de serment de celui-ci ). Ils ont été déboutés par le juge Seydou Ouédraogo et ses pairs. Ce qui a permis la poursuite de l’interrogatoire du deuxième général inculpé dans l’affaire du coup d’Etat du 16 septembre 2015.

A la demande du bâtonnier, l’audience de l’après-midi a été suspendue pour permettre aux avocats constitués auprès des accusés de prendre part à une Assemblée générale initiée par le barreau. L’audience se poursuivra le lundi 7 janvier 2019 au tribunal militaire de Ouagadougou, délocalisé à la salle des banquets de Ouaga 2000.

 

Candys Solange Pilabré/Yaro