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10e jour d’interrogatoire du général Gilbert Diendéré : « Si vous voulez, gardez-moi 100 ans à la MACA, mais laissez les petits sortir », Gilbert Diendéré

golff1En ce 10e jour d’interrogatoire du général de brigade Gilbert Diendéré, poursuivi dans le cadre du coup d’Etat de septembre 2015, les avocats de la défense ont clos leurs questions et observations à l’accusé. Ils ont tous réaffirmé leur volonté de voir se manifester la vérité afin d’arriver à une justice qui va panser les plaies, apaiser les cœurs et rapprocher davantage les Burkinabè. L’officier à la barre, tout en martelant sa déception de ne pas être accompagné dans ce box des accusés par la hiérarchie militaire, a manifesté son désir de voir « les petits » inculpés dans le cadre de cette affaire relaxés, car, dit-il, contrairement au commandement militaire, ces derniers n’ont pas posé d’actes matériels tendant à la consommation du coup de force perpétré en septembre 2015.

Au début de l’audience de ce mercredi 12 décembre 2018, la parole était toujours aux avocats de la défense. Me Dieudonné Bonkoungou, à la suite de ses propos de l’audience du lundi 10 décembre 2018, a, à l’instar du général Gilbert Diendéré, déclaré que les évènements du 16 septembre 2015 et jours suivants sont nés de l’inertie de la hiérarchie militaire de l’époque. De plus pour lui, le fait que l’ancien Premier ministre Yacouba Isaac Zida ait fait de la rétention d’informations à dessein, dans le but que le président de la Transition, Michel Kafando, ne prenne pas toute la mesure de l’imbroglio qui existait au sein des forces armées nationales et de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) notamment, ont favorisé le putsch. Selon lui, toutes les dérives du chef du gouvernement (volonté de faire entrer des mercenaires dans le pays, tentatives d’empoisonnement de la troupe, tentative d’assassinat, corruption, détournements de deniers publics…) étaient connues de toute la chaîne militaire et même au sommet de l’Etat, mais rien n’a été fait pour que cela cesse. Chose qui a fait dire à l’homme en robe noire que pendant la Transition, il y avait une certaine démission tant du président Kafando que du commandement militaire. C’est pourquoi il estime que la vraie personne qui dirigeait le pays n’était pas le chef de l’Etat, comme il est de coutume, mais le chef du gouvernement d’alors, Yacouba Isaac Zida.

Prenant la parole, l’ancien bâtonnier Me Antoinette Ouédraogo a abondé dans le même sens que son confrère. Pour elle, ce sont les promesses non tenues du président Kafando, le manque de courage du général Pingrenoma Zagré et de ses pairs de juguler les différentes crises provoquées par le Premier ministre qui ont poussé les hommes à réagir. Dans son analyse de la situation, elle estime que ce cocktail explosif a été préparé pour pousser les hommes du RSP à commettre la faute. « Cette situation a été nourrie, entretenue et bichonné pour amener le RSP à commettre la faute », a-t-elle insisté. Chose qui lui fait conclure que le commandement militaire ainsi que le président Michel Kafando sont complices de ce qui est reproché au général à la barre aujourd’hui. « La hiérarchie militaire ainsi que le président Kafando sont complices de ce qui est arrivé, car ils étaient au courant des problèmes et ils n’ont rien fait. Un chef de famille s’assume. Un chef de l’Etat s’assume. Il ne prend pas une chaise pour s’asseoir regarder », a-t-elle déclaré. Et l’officier supérieur à la barre de rebondir : « Si mes coaccusés sont à la barre parce qu’ils ont exécuté mes ordres en tant que président du CND, la hiérarchie militaire en exécutant mes ordres doit aussi être dans le box des accusés... Je ne souhaite pas voir quelqu'un du commandement militaire en prison, mais je ne voudrais pas non plus voir les petits se faire condamner injustement. Si vous voulez, gardez-moi 100 ans à la MACA, mais laissez les petits sortir. J'étais choqué de les voir à la MACA. J'ai écrit pour leur libération, mais jusqu'à présent je n'ai pas reçu de réponse. Moi, je suis là et cela suffit ». Pour répondre à cela, le parquet a expliqué qu’il n’appartient pas à un accusé de mettre en accusation. « Je ne me préoccupe pas de ceux qui n’ont pas été mis en accusation. Il n’appartient pas à un accusé de forcer à mettre des gens en accusation. Il n’a qu’à se contenter de son rôle d’inculpé et se défendre avec les éléments qu’il a », a-t-il rétorqué. Mais pour l’accusé, cette déclaration du ministère public est assez grave, car dans ce procès, tous recherchent la vérité et tout ce qui peut concourir à la manifestation de la lumière devrait être le bienvenu.

golff2Quoi qu’il en soit, l’accusé comme les avocats de la défense sont convaincus que des personnes manquent dans le box des accusés. Ce qui, à leur avis, est une entorse à la vérité et à la justice tant recherchées. Ils en appellent, de ce fait, à la sagesse et au discernement du tribunal afin que toutes les personnes susceptibles de faire manifester la vérité soient appelées et entendues dans le cadre de ce procès, qui pour eux doit éduquer et permettre aux Burkinabè de mieux vivre ensemble. « Je crois qu’il faut chercher l’essentiel. Si c’est pour rendre une justice des vainqueurs, arroser les germes de la séparation et entretenir les rancœurs, cela n’aurait servi à rien. On ne peut pas rendre justice en occultant le contexte qui a favorisé le coup d’Etat. Il n’y avait pas d’Etat de droit après les évènements d’octobre 2014… la justice est le sel de la société. Où est Zida, si ce qu’il a fait l’était pour le bien du pays et s’il est une victime comme on veut le faire croire ? » a déclaré Me Bonkoungou. Et Me Antoinette Ouédraogo d’ajouter : « Certains témoins doivent être mis en accusation. La justice est celle qui va éduquer les gouvernants et leur donner des leçons. Elle est celle qui va permettre aux Burkinabè de se regarder sans complaisance, mais avec amour ».

La question des témoins de l’accusé refusés par le tribunal dans une décision avant dire droit est revenue dans les débats du jour. Pour Me Dégli du barreau du Togo, ces témoins voulus par son client sont indispensables à la manifestation de la vérité. Il estime que la décision déjà rendue par le tribunal a foulé aux pieds les dispositions internationales ratifiées par le Burkina Faso, notamment le pacte international sur les droits civils et politiques. En se fondant également sur l’article 118 du Code de procédure pénale, le conseil du général soumet une requête dont l’essence est que les témoins de l’officier supérieur soient entendus à la barre et cités par le parquet et non par l’accusé. Cette requête sera étudiée par le juge Seydou Ouédraogo et ses pairs du tribunal.

golf3Ce 10e jour d’interrogatoire du présumé cerveau du coup d’Etat de septembre 2015 se clôt, mais l’accusé et ses conseils restent convaincus que l’instruction de ce dossier a été faite seulement à charge du général Diendéré. L’audience de ce jour s’achève aussi, mais le sentiment que le parquet protège et défend la hiérarchie militaire anime toujours la défense, et cela malgré le fait que Alioun Zanré et ses pairs n’ont cessé de marteler qu’ils instruisent à charge et à décharge. Rappelant alors les déclarations de certains officiers accusés, notamment le commandant Korogo et le colonel-major Kiéré, le parquet estime que contrairement aux déclarations du général, le commandement militaire s’est opposé dès les premières heures à une prise du pouvoir par le président du CND et à travailler pour la libération des autorités de la Transition. Mais le présumé chef des putschistes, droit dans ses bottes, affirme que la hiérarchie militaire dans le cadre de l’instruction de cette affaire a conspiré contre elle.

 

Candys Solange Pilabré/ Yaro