Après le départ du Mali en 2022, ce fut au tour du Burkina et du Niger de quitter tous deux la force anti-djihadiste G5 Sahel le 2 décembre dernier. Comment ce retrait est-il apprécié des Burkinabè ? Ce départ des 3 Etats sonne-t-il le glas du G5 ? Les 2 pays restants (la Mauritanie et le Tchad) pourront-ils assurer la mission initialement dévolue aux 5 ? Le retrait du Burkina et du Niger de cette institution n’est-il pas un signal fort sur la consolidation de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) ? Radars Burkina a recueilli quelques avis de citoyens. Adama Kaboré, éditorialiste, et Atiana Serge Oulon, journaliste et écrivain, donnent également leur lecture de la situation.
Pour nombre de citoyens interrogés, le G5 Sahel a existé depuis plusieurs années sans actions concrètes. Donc le retrait du Burkina et du Niger de ce regroupement est une bonne chose. Certains estiment même que cela aurait dû se faire plus tôt.
Selon Adama Kaboré, éditorialiste, il n'y avait plus de raison pour le Burkina Faso et le Niger de rester dans le G5 Sahel.
« Le G5 Sahel était fini dès sa naissance en 2014, donc la récente sortie du Burkina et du Niger vient acter cette fin. C’en est fini depuis la sortie du Mali. Le Mali a quitté le G5 Sahel depuis mai 2022, donc il allait de soi, avec la création de l'AES, que ces deux pays lui emboîtent le pas. Ils ont traîné jusqu'au 2 décembre pour faire ce communiqué parce que déjà le 23 octobre dernier, l'Union européenne avait annoncé la suspension de son aide au Niger et au Burkina dans le cadre du G5 Sahel, y compris la force conjointe », soutient-il.
Sa conviction est que si ces 2 pays restaient dans cette instance « téléguidée par des puissances extérieures », « c'était comme avoir une chose et son contraire étant donné que la création de l'Alliance des Etats du Sahel venait dénoncer l'incapacité des Etats et l'incapacité même de la CEDEAO à prendre à bras-le-corps la question sécuritaire au Sahel ».
Donc « cette sortie est la bienvenue. Même si elle est arrivée un peu tardivement, mieux vaut tard que jamais et je pense qu'ils pourront mieux se concentrer au niveau de l'AES pour les questions de sécurité et de développement », ajoute-t-il.
A son avis, théoriquement c’en est fini du G5 Sahel, mais institutionnellement parlant, il va peut-être demeurer encore quelque temps. « Nous nous acheminons vers la fin systématique, institutionnelle du G5 Sahel parce que 2 pays n'auront pas les mêmes objectifs que 5 pays qui n'ont pas les mêmes espaces géographiques ni les mêmes frontières », a-t-il déclaré.
À la question de savoir si ces « départs » constituent un signal fort en ce qui concerne la consolidation de l'AES, il estime que ce n'est pas seulement un signal fort que ces deux pays envoient par leur retrait.
« C'est un signal de confiance que le Burkina et le Niger ont envoyé au Mali, qui est parti du G5 Sahel et de la Force conjointe depuis 2022 ; cela va consolider davantage les relations dans le cadre de la mise en œuvre de l'Alliance des Etats du Sahel et permettra d'accentuer la lutte contre le terrorisme », a-t-il indiqué.
Mieux, il affirme que « c'est une nouvelle géostratégie qui est en train de se dessiner à l'intérieur de l'espace CEDEAO qui, si l'on n’y prend garde va emporter cette institution sous-régionale d'autant plus qu'il y a déjà d’autres pays d'Afrique de l'Ouest qui veulent rejoindre l'AES. « C'est cette consolidation qui risque de faire voler en éclats la CEDEAO dans sa formule actuelle si elle ne change pas », clame M. Kaboré.
Atiana Serge Oulon, journaliste et écrivain, lui, pense que le G5 Sahel était déjà dans une situation de léthargie depuis un bon moment.
« Ça ne date pas d’aujourd’hui. La structure, dès sa création, était confrontée à des problèmes de financement. Cette situation était prévisible parce que depuis un certain temps, cette structure ne fonctionnait pas ».
De plus, pour lui, ce n'est pas évident que la Mauritanie et le Tchad puissent tenir et assurer la mission qui était assignée au départ aux 5 pays du G5 Sahel.
« C’est une structure qui était censée regrouper un certain nombre de pays pour agir principalement au Mali. Dès lors que 3 pays, dont le Mali qui est considéré comme le cœur du problème, sont partis, je ne vois pas comment ça pourrait fonctionner encore.
Il faut donc constater plus ou moins la mort du G5 Sahel tout simplement », a-t-il indiqué.
Contrairement à ceux qui estiment que le retrait du Burkina et du Niger du G5 Sahel est un signal fort sur la consolidation de l'Alliance des Etats du Sahel, Louis Oulon, lui, pense que cela n'a pas de lien. « La preuve en est que le Burkina est membre d'autres organisations. Ce n'est pas parce que ces pays se sont retirés du G5 Sahel que ça renforce l'AES. L'AES est une autre tentative de regroupement qui fera face aussi à ses difficultés, à ses défis et à son agenda. Ça n'a rien à voir avec ce retrait. Il ne faut pas faire d'amalgame », a dit cet intervenant.
Flora Sanou