Dans la capitale burkinabè, depuis quelques mois, la police municipale procède à la saisie de boissons alcoolisées de marque Vody, Faxe, etc., dans les boutiques aux encablures des établissements scolaires. Comment certains commerçants apprécient-ils ces actions de salubrité publique ? Qu’en dit la ligue des consommateurs ?
Bien que conscients des dégâts de ces boissons (Cody's, Vody, Faxe…) sur la santé humaine, certains commerçants ne décolèrent pas face à ces opérations de saisie menées par la police municipale.
L’un d’eux ayant requis l’anonymat prétend même qu’il ignorait l’existence de la loi interdisant la vente de ces breuvages. « Je ne savais pas que c’était interdit de vendre ces boissons ». Cependant, il estime que c’est une « partie de son gagne-pain quotidien » qui est partie. « C’est une boisson qui ne tarde pas dans le frigo puisque beaucoup aimée et consommée par les jeunes. Donc c’est vraiment une perte pour moi », dit-il. Tout compte fait, il dit avoir compris leçon et n’entend plus vendre ces types de boissons « pour éviter d’avoir des problèmes ».
Selon Abdoul Karim Zongo, commerçant, « c'est vrai que la vente de ces boissons rapporte de l'argent, mais un parent soucieux de l'avenir des enfants ne devrait pas en vendre ». Donc c'est normal que la police municipale embarque les stocks des marchands qui s’obstinent à en vendre. Néanmoins, il estime que « le problème vient de l'État ». « Ces bières ont traversé la frontière pour se retrouver au Burkina ; les responsabilités doivent donc être situées à ce niveau ».
Pour lui, la consommation de ces boissons est en partie à l’origine de l’insécurité grandissante dans les villes.
« Quand on regarde, certains braquages à Ouagadougou sont l’œuvre d’enfants. En réalité, ce sont ces excitants qu'ils prennent. C'est vrai que je suis commerçant, mais je dirai que ce sont des commerçants qui sont à la base de la destruction de la vie des enfants simplement parce qu’ils veulent se faire de l’argent », indique-t-il. Et d’enfoncer le clou en ces termes : « Si ce sont ces enfants qui doivent diriger le pays demain, le Burkina n'ira nulle part ».
A son avis, les commerçants qui contreviennent à la loi interdisant la vente de ces tord-boyaux « doivent être emprisonnés » pour que cela serve de leçon aux autres.
Pour Assamiyou Compaoré, chargé à l'organisation du bureau exécutif national de la Ligue des consommateurs du Burkina (LCB), cette initiative de la police municipale est à saluer. « Nous encourageons la police communale à poursuivre cette opération », a-t-il lancé.
Mais « c'est dommage qu'aujourd'hui, ces boissons envahissent pratiquement toutes les contrées du Burkina et que des enfants s’adonnent au quotidien à leur consommation. Ils s’en servent comme remontant et cela est très dangereux, au regard de leurs taux d'alcool respectifs : Vody : 18%, Faxe : 10% », a-t-il déploré.
La conviction de M. Compaoré, c’est que ces poisons tuent à petit feu les gosses qui s’en abreuvent, chose qui compromet leur avenir et, partant, celui du pays, car ils sont la relève qui est censée assurer le développement du pays. Cependant, pour lui, embarquer ces boissons alcoolisées vendues tout au long des établissements n'est pas vraiment la solution au problème. « Il faut plutôt s'attaquer à la source d'approvisionnement et la tarir, sinon la police va beau ramasser ces boissons, les commerçants vont continuer à en vendre si ça s’achète. Ces boissons doivent être interdites au Burkina. Nous demandons aux autorités compétentes de se pencher sur la question pour sauver la vie de nos enfants. Il faut que le secteur économique de la boisson soit régulé et qu’on revoie les sanctions prévues contre les contrevenants. Même si l'on ne peut pas empêcher les enfants de boire ces bières à fort taux d’alcool, l’État peut et doit empêcher l'entrée sur le territoire national de ces produits très toxiques qui sont en train de détruire lentement mais sûrement la vie scolaire des enfants. Il y a un rôle que l'État doit jouer, lequel rôle consiste à empêcher l’entrée de ces boissons. Il faut couper le mal à la racine », a-t-il longuement plaidé.
La période des fêtes est une aubaine pour la jeunesse de s’adonner à une consommation exagérée de l’alcool, surtout les boissons dont la consommation est interdite. Or, cela accroît le nombre d’accidents. C’est aussi une période où le marché est inondé par tout type de boisson. Nous sommes à quelques jours des fêtes de fin d’année. Il serait donc judicieux pour les autorités d’avoir un regard rigoureux sur les frontières pour empêcher l’entrée de toute boisson dont la consommation est susceptible de nuire.
Flora Sanou