samedi 12 octobre 2024

Lutte contre le SIDA : « Si toutes les personnes sous traitement ARV suivaient bien leur traitement et qu’ils ont une charge virale indétectable, il va arriver qu’on n’ait plus de nouvelles infections à travers ces personnes sous traitement… », Babou ZIO

Babou ZIOCes dernières années, sur le plan national et international, la lutte contre le VIH/SIDA est en train de faiblir, car les financements dans ce domaine ont beaucoup diminué. Pourtant, le SIDA tue toujours. Selon l’ONU/SIDA, près d’un million de personnes dans le monde en sont décédés en 2017. Au Burkina Faso, seulement 69% des personnes vivant avec le VIH sont sous traitements antirétroviraux. A l’horizon 2020, les acteurs de la lutte ambitionnent atteindre 90% de personnes malades dépistées. Parmi elles, 90% doivent être traitées. Et enfin, 90% de ces dernières doivent pouvoir contrôler la maladie. Au Burkina Faso, les acteurs plaident davantage pour les financements et misent de facto leurs efforts sur la sensibilisation et le dépistage afin d’être en phase avec cette marche mondiale. C’est ce que nous confie monsieur Babou ZIO, président du Conseil d’administration de l’association des jeunes pour la promotion des orphelins(AJPO). Cette association depuis les années 2000, a fait de la lutte contre le VIH/SIDA son principal cheval de batail. Dans l’interview accordée donc à Radars info Burkina, monsieur ZIO fait l’état des lieux de lutte contre «  ce mal du siècle » au Burkina Faso

 

logo sidaRadars Info Burkina : Aujourd’hui quel est l’état des lieux de la lutte contre le VIH/SIDA au Burkina Faso ?

Babou ZIO : Nous qui avons été dans la lutte aux premières heures, c'est-à-dire au début des années 2000, je peux dire qu’aujourd’hui, la lutte a vraiment évolué. Cela, dans la mesure où notre taux de séroprévalence a beaucoup baissé : De 4,8% en 2001 à 1,2%, le taux de prévalence est aujourd’hui à 0,8%. Le taux de personnes atteintes du Sida et justifiables de traitement ARV et qui sont sous ARV est passé de 87,1% en 2013 à 97,8% en 2015. Ce qui veut dire que la lutte a évolué. Les campagnes de sensibilisation aidant, le dépistage a connu à un certain moment son envol. Aussi, à partir des années 2005, le programme accéléré de traitement sous ARV, financé par la Banque mondiale a permis de mettre beaucoup de personnes sous traitement ARV. Aujourd’hui, on ne peut plus mourir du VIH/SIDA, parce que les traitements sont disponibles et il y a un certain nombre d’actions qui accompagnent les personnes vivant avec le VIH. Toutefois, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Il y a aussi des insuffisances. En effet, ces dernières années on constate de nouvelles infections, parce que la prévention a pris un coup. Les activités de grande masse ne sont plus à l’ordre du jour. Il y a aussi la naissance de nouvelles pratiques comme le phénomène de l’homosexualité qui touche aussi le Burkina. En effet, il y a des homosexuels qui sont infectés et qu’on n’arrive pas à bien repérer pour pouvoir les prendre en charge correctement. Cette situation impacte la lutte, parce que parmi les homosexuels, il y a des bisexuels : Ces derniers sont en plus de leur homosexualité, mariés. A cela, s’ajoute le problème de financement. La lutte a pris un coup, parce que les partenaires techniques et financiers ne donnent plus les ressources comme avant. Avant les activités de sensibilisation étaient régulières : Au moins 4 à 5 animations grand public par jour, mais aujourd’hui si vous demandez, on est à une activité le mois. Tout cela à cause de l’insuffisance des ressources financières. Cette situation est aussi imputable à nos Etats qui avaient pris l’engagement de contribuer financièrement à la lutte. Si vous vous rappelez à la conférence d’Abuja, les Etats africains avaient pris l’engagement de contribuer à hauteur de 15% de leur budget annuel alloué à la santé. Le contrat était que si un pays respectait cet engagement, il pouvait effectivement avoir les ressources qui puissent l’aider à lutter contre le VIH/SIDA. Pourtant, à ce niveau, les pays africains trainent encore le pas. Le Burkina Faso vacille actuellement entre 11 et 12% de son budget annuel  alloué à la santé. Ce qui fait que les personnes vivant avec le VIH/SIDA, ne sont pas totalement prises en charge. En fin 2009, le président du Faso d’alors, Blaise Compaoré sur la gratuité du traitement rétroviral déclarait : « A partir du 1er Janvier 2010 le traitement antirétroviral sera gratuit ». Pourtant, quand on parle de gratuité du traitement antirétroviral, on se base sur la définition de l’ONU/SIDA qui dit que le traitement antirétroviral, inclut la mise sous traitement ARV, les examens biologiques, la prise en charge psycho-sociale et l’appui nutritionnelle. La mise sous traitement ARV nécessite ces différents aspects, mais très souvent, tous ces éléments réunis ne sont pas effectivement pris en compte pour certaines personnes qui sont démunis étant donné qu’elles ne peuvent pas s’offrir les trois repas par jour. Le traitement nécessite aussi plusieurs examens, alors que l’Etat burkinabè ne prend en charge que la charge virale, et cela, au moins une fois par an. Pourtant, l’ONU/SIDA préconise de faire la charge virale au moins chaque six (6) mois. Il faut rappeler que c’est la charge virale qui montre l’état de l’évolution du virus dans le corps. Quand on n’arrive donc pas à faire tous les examens nécessaires, il devient alors difficile de mener à bien la lutte. Quoi qu’il en soit, d’une manière générale on peut dire que la lutte évolue bien.

 

RIB : Aujourd’hui, quelles sont concrètement les difficultés que les acteurs rencontrent sur le terrain dans cette lutte contre le VIH/Sida ?

BZ : Les difficultés rencontrées sont notamment sur le plan institutionnel, technique et financier. Sur le plan institutionnel, il y a toujours une faible application des textes. Quand on prend la loi 030 portant lutte contre le VIH et prise en charge des personnes portant le VIH, son application n’est pas efficace, car des personnes ont été stigmatisées et rejetées et lorsque les dénonciations ont été faites, les personnes incriminées n’ont pas été poursuivies. Ce qui fait que la stigmatisation continue. Il y a aussi la faiblesse de la part contributive de l’Etat qui en principe devait représenter  au moins 15% de son budget santé. On peut dire qu’aujourd’hui cette difficulté a entrainé une insuffisance de personnel. En effet, au Burkina, les acteurs de la lutte contre le VIH/SIDA sont confrontés au problème du plateau technique qui est relativement faible en personnel et en équipements. Cette difficulté est beaucoup plus visible dans les campagnes où  les personnes infectées font de longues distances pour pouvoir se faire prendre en charge. Autre difficulté rencontrée aujourd’hui est celle de la motivation des acteurs de la lutte. Si vous partez dans les unités des centres médicaux de prise en charge des malades, vous allez voir qu’il y’a une longue file d’attente. Cela, parce que ceux qui étaient là pour accompagner les malades ont fuit les unités à cause du fait qu’ils ne sont pas motivés. C’est vrai qu’ils sont payés par l’Etat, mais il faut savoir que c’est un travail énorme pour ces agents de santé qui suivent les malades et la baisse de financement par les partenaires n’arrange pas les choses. C’est pourquoi, à l’ouverture de la 22e conférence internationale sur le VIH/SIDA à Amsterdam, les activistes ont manifesté leur inquiétude par rapport à cela et ont interpellé les partenaires techniques et financiers à renforcer leur portefeuille pour que la lutte continue.

ZIO

                                     Babou ZIO, président du Conseil d’administration de l’association des jeunes pour la promotion des orphelins

RIB : selon des études scientifiques récentes une personne séropositive sous traitement ne transmet plus le VIH, mais peu actuellement en sont informés, surtout au Burkina Faso. Alors peut-on voir en cette avancée de la médecine une victoire d’étape ?

BZ : Bon ! Je vais rectifier quelque chose avant de répondre à votre question. Ce n’est pas exactement cela. Dire qu’une personne séropositive sous traitement  ne transmet pas le VIH, j’infirme cela. Elle peut transmettre le VIH si elle ne suit pas correctement son traitement. Suivre correctement son traitement implique que le malade va jusqu’à faire une charge virale indétectable. C’est seulement en ce moment qu’il ne peut effectivement pas transmettre le virus. Mais quand un malade suit son traitement antirétroviral avec des hauts et des bas et ne fait pas régulièrement ses tests pour voir si son traitement est bien ou pas, il peut bien infecter les autres. Ainsi, si toutes les personnes sous traitement ARV suivaient bien leur traitement et qu’ils ont une charge virale indétectable, il va arriver qu’on n’ait plus de nouvelles infections à travers ces personnes sous traitement. Donc aujourd’hui on peut dire que c’est une petite victoire d’étape, même s’il reste encore beaucoup à faire dans la lutte pour atteindre d’ici à 2020, l’objectif mondial 90-90-90 : c’est qu’on ait 90% de la population qui ont fait leur test de dépistage 90% de ces personnes dépistées qui soient effectivement sous traitement ARV et que parmi ces personnes sous traitement, 90 % d’entre elles aient une charge virale indétectable.

 

RIB : Au regard des difficultés que vous avez fait cas, est ce que le Burkina Faso peut d’ici à 2020 atteindre cet objectif des 90-90-90 ?

 BZ : On espère qu’en 2020 le Burkina Faso fera partie de ces pays qui vont atteindre ces 90-90-90. Toutefois, cela demande beaucoup d’efforts et c’est là où je parlais tantôt de la volonté de nos autorités. Aujourd’hui, notre pays fait partie de ceux qui sont à moins de 50%. Les pays de l’Afrique occidentale et Centrale font partie des pays qui trainent encore le pas tout, parce qu’ils continuent de médicaliser la lutte. C’est vrai qu’il y a une implication des communautés, mais on sent toujours une forte présence des agents de santé. Quand on prend les pays de l’Afrique de l’Est et du Sud qui étaient quasiment au dernier rang en matière de lutte contre le VIH/SIDA, il y a 10 ans, aujourd’hui ils sont en tête et sont en train d’aller vers les 90-90-90. Cela, parce qu’ils ont impliqué la communauté. Actuellement, dans ces pays, les acteurs de la lutte à la base sont formés : Par exemple, moi qui suis un acteur de la lutte, on me forme en dépistage et je peux dépister quelqu’un. Cela a commencé depuis les années 2007-2010. Notre pays voisin la Côte d’Ivoire est maintenant dans cette dynamique, donc il va davantage dépister. Si le Burkina suit le pas et si 90% de la population arrive à se faire dépister, la balle sera maintenant dans le camp de l’Etat : Ce sera à lui de mettre effectivement toutes les personnes infectées sous traitement et trouver des moyens également afin que ces gens aient une charge virale indétectable.

 

sidaRIB : Du 23 au 27 juillet 2018, s’est tenue à Amsterdam,  la 22e conférence internationale sur le VIH/SIDA. Sous quel signe le Burkina Faso a-t-il participé à cette conférence de haut niveau ?

BZ : Le Burkina Faso comme tous les autres pays sont invités à cette conférence internationale sur le VIH/SIDA, mais véritablement, j’avoue que je ne sais pas sous quel signe le Burkina est parti. D’ailleurs cela est une habitude pour notre pays. Pour avoir participé à certaines conférences, c’est une fois sur place que les participants burkinabè se découvrent. On  ne sait pas comment les gens arrivent à participer. Au moins la partie étatique a des moyens, des bourses pour y aller. Quant aux associations, il faut batailler pour pouvoir y participer. Il faut postuler et une fois que vous êtes retenus on vous invite à la conférence. Toutefois, en dehors de cela, l’Etat burkinabè se doit d’octroyer des bourses à des acteurs communautaires pour qu’ils y participent. Peut-être que c’est fait. Sinon, dans certains pays, avant la tenue de la conférence, les participants tiennent des réunions préparatoires. Mais ici, comme cela n’est pas fait, chacun y va à travers des réseaux. Chacun part vendre son expérience et aussi pour la mobilisation des ressources humaines : Rencontrer d’autres partenaires qui peuvent renforcer la lutte au Burkina et dont les expériences peuvent être dupliquées au Burkina. Le Burkina donc d’habitude y va en rang dispersé. On a toujours reproché cela à nos autorités, parce que c’est elles qui coordonnent la lutte au niveau national. C’est pourquoi, l’Etat devrait mieux organiser le départ en se fixant notamment des objectifs à atteindre.

 

Propos recueillis par Candys Solange PILABRE/ YARO et retranscris par Alexiane YAMEOGO (stagiaire)

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