mardi 16 avril 2024

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Norbert Zongo An 20 : témoignages

moréLe 13 décembre 2018 marquera le vingtième anniversaire de la disparition tragique du journaliste Norbert Zongo. Plusieurs activités sont prévues à cette occasion. Pour en savoir davantage sur la personnalité et les convictions du défunt directeur de publication de L’Indépendant, Radars infos Burkina (RIB) a tendu son micro à Chrysogone Zougmoré et Jean Claude Méda, qui l’ont connu et côtoyé, ainsi qu’à l’un des avocats constitués de ses ayants droit en la personne de Me Prosper Farama.

Chrysogone Zougmoré, président du Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP) et du Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques (CODMPP) créé au lendemain de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo en décembre 1998, nous parle du journaliste qu’il a connu et fréquenté sur le champ de la  défense et de la promotion des droits humains.

RIB : Comment avez-vous connu Norbert Zongo ?

Chrysogone Zougmoré : Je l’ai connu dans les années 90 au moment où on créait le MBDHP. Il a été l’un des premiers militants du Mouvement. Avant même la création de son journal, il a contribué à animer des conférences publiques au profit des élèves, des paysans. C’est dans ce cadre que je l’ai rencontré pour la toute première fois. Et lorsqu’il a créé son journal (NDLR : L’Indépendant, hebdomadaire d’investigation), nous avons continué à collaborer en échangeant assez souvent sur des questions d’actualité nationale. Quand il a pris la présidence de l’ARCEP, nous avons travaillé en partenariat, notamment à travers la publication d’une brochure répertoriant les différents textes et lois nationaux protégeant la liberté de la presse au Burkina. Ce furent d’abord des relations militantes et ensuite professionnelles toujours sur le champ de la  défense et de la promotion des droits humains avec un accent particulier sur la liberté de la presse  et la liberté d’information. C’était quelqu’un avec qui j’échangeais souvent sur les questions de la vie nationale.

RIB : Quel a été son apport d’un point de vue humain au Burkina Faso et d’un point de vue professionnel à la corporation des journalistes ?

Chrysogone Zougmoré : C’était une personnalité de grande envergure mais d’une humilité extraordinaire. C’était un grand homme. C’est seulement après sa mort que les gens ont découvert toute la grandeur de Norbert Zongo. Il est resté humble. Il circulait en P50, une petite mobylette généralement utilisée par les élèves. Sa première qualité était donc l’humilité. Quoi qu’il ait été quelqu’un qui avait de la vision, de l’ambition, de l’amour pour son pays. Deuxièmement, c’était quelqu’un qui aimait partager : partager ses points de vue et ses idées et surtout interpeller ceux qui dirigeaient le pays par un certain nombre de questions, d’éléments de conviction pour les amener à mettre un peu de sérieux dans la gouvernance. Que ce soit la gouvernance politique, économique ou sociale, c’était quelqu’un qui avait la capacité, à travers ses articles et l’animation de plateaux de presse, d’apporter sa contribution. Un esprit de partage et surtout une ouverture. Il n’hésitait pas à discuter sur diverses questions, à donner son point de vue et acceptait d’être « battu » lorsqu’on arrivait à le convaincre que ce qu’il disait ou ce qu’il voulait faire passer comme idée n’était pas bon. C’est quelque chose qui est resté non seulement pour les jeunes qui l’ont connu à l’époque mais également pour la postérité. Aujourd’hui encore, les gens font référence aux éléments éditoriaux qui paraissaient dans son  journal. Il y a beaucoup qui ne l’ont pas connu mais qui se réfèrent à ces citations lors des débats. Il continue à servir à l’éducation civique des populations et surtout des plus jeunes.

RIB : Quel sentiment vous a animé quand vous avez appris sa mort ?

Chrysogone Zougmoré : J’ai appris sa mort de façon vraiment horrible. J’étais à Paris pour l’anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme et je suis rentré le 12 décembre dans la nuit. Et le 13 décembre lorsque je suis arrivé au bureau, ma secrétaire m’a appris la mort de Norbert Zongo en précisant qu’il s’agissait d’une mort accidentelle, ce qui m’a paru un peu curieux. Sur-le-champ, nous avons pris la route de Sapouy et une fois sur place, c’était l’horreur. Les photos qui ont circulé, c’est nous qui les avons prises. Ce fut une période extrêmement difficile pour moi. J’avoue que la semaine qui a suivi cette horreur, j’avais du mal à me remettre de cette douleur. Par la suite, et l’émotion passée, nous nous sommes organisés pour faire en sorte que le sentiment de révolte se transforme en un sentiment mur, organisé pour que ce qui s’est produit ce 13 décembre n’ai plus jamais lieu au Burkina. Ce qui a été à l’origine de la création du collectif que le MBDHP dirige jusqu’à présent et qui a quand même fait des pas de géants. Nous célébrons ce 20e anniversaire en ayant à cœur le fait que la vérité et la justice doivent être dites sur cet assassinat horrible que le Burkina n’avait jamais connu.

prosperMaître Prosper Farama, l’un des avocats constitués dans l’affaire Norbert Zongo, nous fait part de son appréciation de la cessation des activités du journal L’Indépendant et du symbole que représente le centre de presse qui porte le nom du journaliste, dans le cadre de la perpétuation de sa mémoire.

Radars Infos Burkina : Estimez-vous, comme certains analystes, que le fait que le journal L’Indépendant ne paraisse plus soit un échec de la part de ceux qui se battent pour la perpétuation de la mémoire de Norbert Zongo ?

Maître Prosper Farama : Il aurait été bon, pour la symbolique, que L’Indépendant continue de paraître et soit comme un étendard, un hommage à son fondateur, même si ce n’était pas dans l’optique d’en faire une référence d’un point de vue du contenu. Mais faire survivre le journal comportait aussi des risques. Car pour des titres de ce genre, les gens jugeront toujours le contenu. Il aurait fallu donc s’assurer que le contenu soit toujours en conformité avec les idéaux du fondateur, ce qui est un risque toujours existant. Sans compter que ce n’est pas un titre appartenant à l’espace public mais à la famille. Il faut combiner tous ces aspects et trouver le créneau par lequel la symbolique permettrait au journal d’exister.

Radars Infos Burkina : Que pensez-vous du centre de presse, symbole de perpétuation de la mémoire de Norbert Zongo ?

Maître Prosper Farama : Je pense que ce centre devrait jouer un rôle très important, au-delà même du symbole, dans le cadre de la lutte pour un élargissement des espaces de liberté d’expression et plus particulièrement de la liberté de presse au Burkina Faso. On constate qu’il fait ce qu’il peut. On se rend compte que faute de moyens, les initiatives sont limitées, mais aujourd’hui on devrait à mon sens y avoir plus d’égards pour ce centre, lui donner plus de moyens afin qu’il joue un rôle plus important et qu’il aille au-delà de la gestion de l’affaire Norbert Zongo. Ce centre devrait, au Burkina Faso, être un repère dans la lutte pour les libertés.

Jean Claude Méda, ancien président de l’Association des journalistes du Burkina (AJB) et  collaborateur de Norbert Zongo, dépeint un journaliste tenace, qui ne reculait devant rien pour faire triompher la vérité.

RIB : Vous avez connu Norbert Zongo, parlez-nous un peu de lui.

Jean Claude Méda : Nous nous sommes côtoyés quand nous étions au journal Sidwaya, le quotidien d’Etat. Après, nous avons travaillé ensemble à l’hebdomadaire Carrefour africain. De ces expériences avec lui, je retiens le souvenir de quelqu’un dont les reportages factuels n’étaient pas la tasse de café. Norbert était un homme de dossiers d’enquêtes.  Il trouvait donc que le format d’un hebdomadaire lui convenait bien parce que là au moins, il avait le temps de bien traiter et travailler ses sujets. Sur le plan des rapports professionnels, au niveau du centre, cela a été de courte durée parce que nous avons inauguré ledit centre le 03 mai et juste en décembre il a été assassiné. Mais déjà, il voyait grand pour le centre. En effet, pour lui ce n’étaient pas seulement des locaux mais un contenu qu’il fallait mettre concernant le centre. De ce point de vue, il fallait qu’on réfléchisse à ce qui pouvait être fait de mieux par rapport aux centres de presse existants, pour ne pas en faire seulement des bureaux ou des lieux de rencontre des associations mais en faire un centre où les journalistes, en termes de cadre de réflexion et d’échanges, se sentent à l’aise pour travailler. Sur le plan humain, c’était quelqu’un de très affable, qui aimait plaisanter. Quelles que soient les situations difficiles, il avait une sorte de sourire en coin. Il avait toujours une réponse, quelle que soit la question posée, si embarrassante soit-elle et avec le sourire.

RIB : Comment avez-vous appris sa mort et quel effet cela vous a-t-il fait ?

Jean Claude Méda : J’ai appris sa mort par voie de presse comme beaucoup de gens mais lorsque j’ai appris la nouvelle, mon premier réflexe a été de vérifier l’information en tant que journaliste. Et comme j’étais  responsable de l’association des journalistes, je recevais beaucoup d’appels tant de l’intérieur du pays que de l’extérieur pour avoir de plus amples informations. Mon réflexe a été de venir au centre et à partir de là-bas avec d’autres confrères qui ont eu le même réflexe, nous avons essayé de réfléchir sur comment nous pouvions collecter le maximum d’informations pour satisfaire surtout les confrères de l’extérieur qui nous appelaient pour avoir plus d’informations pour pouvoir approvisionner le contenu de leurs émissions ou de leurs journaux. Sur le plan humain, j’avoue que ça a été un choc parce que nous venions de terminer un atelier au centre ici le 10 décembre. Trois jours après, le drame est survenu et c’était vraiment la consternation. Je savais qu’il allait se rendre à son ranch mais personne ne pouvait imaginer qu’il y serait victime d’un guet-apens et que des assassins qui avaient planifié leur coup allaient finir par l’avoir. C’était vraiment la stupéfaction.

RIB : De par ses écrits, est-ce que par moments en tant que confrère vous ne lui avez pas dit « vas-y doucement Norbert, ce régime pourrait un jour attenter à ta vie » ? Il y avait des signaux forts avec des tentatives d’empoisonnement, des menaces voilées et même sa  mère qui l’appelait quelquefois  pour lui dire « mon fils, on m’a dit que celui-là ne t’épargnerait pas si tu n’essaies pas de revoir ta façon de travailler ».

médaJean Claude Méda : Norbert était d’un courage qui frisait la témérité. Quand vous lui faisiez de telles réflexions, il vous disait que si c’est cela qui doit arriver, alors ça arrivera et il ne lâchait pas prise concernant le sujet qu’il traitait. Ce fut le cas quand il a pris la défense de la veuve Somé et de son orphelin. Ce fut aussi le cas lorsqu’il s’est attaqué à la Caisse générale de péréquation qui conditionnait le riz à un poids inférieur à ce qui était écrit sur les sacs. C’est la même chose quand il s’est attaqué au problème de l’or de Niangoloko, de l’or qui a été retiré à des contrebandiers par des gendarmes et placé dans un palais de justice et qui s’était évaporé. Il était tenace quand il prenait un sujet à bras-le-corps.

RIB : Qu’est-ce qui, selon vous, peut être fait pour que le journal L’indépendant renaisse de ses cendres ? N’est-ce pas l’occasion pour le centre qui forme des journalistes de prendre la relève pour que le journal revive ?

Jean Claude Méda : Je pense que c’est une bonne piste à explorer parce que par le passé, beaucoup de journalistes ont contribué au démarrage de certains journaux privés et publics. Quand les journaux commençaient à naître en 1992-1993, ils ont délibérément contribué à alimenter les journaux privés sur des articles qui ne pouvaient pas passer à Sidwaya. Ils les passaient dans les journaux privés comme Le Pays, sous des pseudonymes. Mais je pense que l’idée mérite d’être creusée. Toutefois, comme c’est un patrimoine familial, il y a eu blocage d’autant plus que la famille avait essayé de reprendre les choses en main. Nous n’avons pas voulu contrecarrer ou d’une certaine manière les empêcher de gérer le patrimoine de leur parent. 

La Rédaction

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