dimanche 6 octobre 2024

democr uneLes Burkinabè sont appelés aux urnes le 22 novembre prochain pour élire et le Président du Faso et les députés dans un contexte de crise sécuritaire qui a provoqué le déplacement de 1 013 234  personnes.  C’est ainsi qu’à l’occasion de la Journée internationale de la démocratie le 15 septembre, le Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD), en partenariat avec le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), a organisé à Ouagadougou un dialogue démocratique sur le thème « Les élections en contexte de crise sécuritaire : comment relever les défis de l’inclusion et de la transparence ? »

Le public est sorti nombreux pour participer à ce dialogue démocratique. Les panélistes étaient Pr Djibrihina Ouédraogo, enseignant-chercheur en droit public, l'honorable Ousséni Tamboura, membre du bureau politique du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), et le Pr Augustin Loada, enseignant en Sciences politiques à l'Université Thomas Sankara, par ailleurs président du Mouvement patriotique pour le salut (MPS). Dr Monique Ilboudo assurait la modération.

Selon Dr Tamboura, la crise sécuritaire a déjà impacté le processus électoral à l’issue d’un constat que les parlementaires ont fait dans les 5 régions touchées par cette crise. «Naturellement, le contexte sécuritaire va également impacter le vote. Des localités n'ont pas été enrôlées et il y a de fortes chances qu'on ne dépose pas de bureaux de vote dans ces localités. Sur les 127 sièges de députés, 52 sont impactés par cette crise», a-t-il ajouté.

C’est ainsi que des pistes de solutions de droit  ont été proposées au chef de l'Etat par des institutions politiques comme la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et le Parlement.

« Tous sont pour le maintien du scrutin couplé mais avec la modification du Code électoral qui vient de se faire », a expliqué le député. Il précise que le Parlement a demandé au gouvernement l'établissement d'un plan de sécurisation des élections  par les FDS, car pour un scrutin légitime, il faut «vraiment un plan de sécurisation efficace. Pour que les élections soient bien sécurisées, il faut davantage de ressources techniques, financières et morales aux FDS ».

democr 2Dr Ousséni Tamboura a en outre plaidé pour une transparence permanente de la CENI sur le nombre des bureaux de vote qui ne pourront pas être ouverts le 22 novembre et demandé une transparence intégrale sur l'impact de l'enrôlement des déplacés internes dans le fichier électoral des communes accueillantes. « Il faut que les partis politiques s'engagent à s'abstenir de toute attitude de déstabilisation du processus électoral pour nous éviter des crises pré-électorales ou post-électorales », a-t-il conclu.  

La communication du Pr Djibrihina Ouédraogo, elle, était axée sur le rôle de la CENI et du Conseil constitutionnel en matière d'inclusion et de transparence du processus électoral.

Pour ce juriste, pour avoir un processus inclusif ou transparent, il faut que l'arbitre, à savoir la CENI et le Conseil Constitutionnel (CC), soit déjà dans les conditions qu’il faut.

«Le CC joue un rôle déterminant dans la crédibilité du processus électoral. C'est lui qui s'occupe de la validation des candidatures, conformément au Code électoral, et des dossiers qui lui seront soumis. De ce point de vue, le CC est amené à faire une interprétation plutôt  rigoureuse des conditions qui ont été prescrites », a-t-il souligné. Le CC est également appelé à recevoir éventuellement les dossiers des candidats qui vont contester l’invalidation de leur candidature et à les traiter dans « les règles de l’art ».  democr 3En outre, c’est au CC de s’assurer que les résultats des urnes sont « effectivement de bons résultats, qu'effectivement les irrégularités qui ont été commises ont plus ou moins entaché la crédibilité du scrutin ». A son avis, l'inclusion suppose également que ceux qui ont la capacité de voter puissent être enrôlés sur les listes électorales. En plus, il faut que ces listes soient fiables. «Dans ce processus en cours on a évoqué la question de l'enrôlement des déplacés internes. Est-ce que ce n'est pas l'occasion d'avoir des doublons ? » s’est-il interrogé.

Aussi la CENI doit-elle s'apprêter, selon le Pr Ouédraogo, à faire des rapports qui soient convaincants, qui puissent démontrer qu'effectivement il n'est pas possible de tenir les élections dans une localité. Que les résultats qui vont finalement servir à légitimer le président du Faso ou les députés qui seront élus permettent de leur accorder une légitimité.

S'agissant des parrainages, il a estimé que son objectif est d'avoir des candidats crédibles, mais quelqu’un peut avoir la volonté de se présenter aux élections et le parrainage va lui poser un obstacle. « Ce qui serait grave, c'est que des élus marchandent leur parrainage. Donc, le parrainage peut être un frein ou un élément déstabilisateur du processus électoral », a fait savoir l’enseignant-chercheur en droit public.

Le président du MPS a témoigné qu’il a entendu le chef d'un parti politique dire que si ses élus parrainent un candidat sans son autorisation, ils seront exclus de son parti. «Ce n'est pas normal. Et les nouveaux partis comme le mien qui vient de se créer ? Sur le terrain, des élus nous exigent des contreparties avant de faire le parrainage », a relevé Pr Augustin Loada.   

Pour le Pr Loada,  il faut éviter les restrictions inutiles aux droits de vote ainsi que les restrictions déraisonnables en ce qui concerne les candidatures.

« Mais en ce qui concerne l'enrôlement, le coût d’établissement de la Carte Nationale d’Identité Burkinabè (CNIB) à 2500F est une limite à des élections inclusives. Pourtant le coût était de 500F sous Blaise Compaoré », a-t-il regretté.

Un des participants au dialogue dans la salle a déclaré que le coût d’établissement de la CNIB n’est pas le problème. « Le problème se situe au niveau de l’accessibilité. Le temps à mettre et la longue distance à effectuer pour se faire établir la CNIB sont la grande préoccupation », a dit ce participant originaire de la région de l’Est. 

Demander 25 millions de francs CFA comme caution aux candidats à la présidentielle au Burkina, « c’est trop », selon lui. 

Ainsi donc, pour l’enseignant en Sciences politiques, ces préoccupations doivent être traitées sérieusement si on ne veut pas exclure des candidats.

Pr Loada a conclu en indiquant que les électeurs ont besoin d’être informés de ce que proposent les candidats et que les débats doivent être contradictoires. Les électeurs ont également besoin d'informations sur le processus électoral.

Aly Tinto

mhamed uneLe Comité national pour le salut du peuple (CNSP) a perpétré un coup d’Etat contre Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) le mardi 18 août 2020.  Pour le moment,  aucun accord n’a été trouvé sur l’après-IBK. Radars Info Burkina a contacté  Mohamed Amara, sociologue, enseignant à l'Université de Bamako et chercheur au Centre Max Weber, par ailleurs auteur de plusieurs ouvrages,  dont Marchands d’angoisse, le Mali tel qu’il est, tel qu’il pourrait être, pour avoir sa lecture de l’évolution de la situation sociopolitique dans son pays.

Radars Info Burkina (RB) : Les discussions se sont achevées lundi 24 août entre la délégation de la CEDEAO et la junte au pouvoir au Mali, mais aucun accord n’a été trouvé sur l’après-IBK.  Une conférence des chefs d’Etat de la CEDEAO sur la crise au Mali est prévue dans les jours à venir.  Etes-vous optimiste quant à l'évolution de la situation ?

Mohamed Amara : Je suis optimiste pour deux raisons principales : la première est qu’il n’y a pas d’autres solutions car les Africains,  au-delà des Maliens, sont enclins à trouver une solution à cette crise ;  deuxièmement, on n’a pas le choix aujourd’hui par rapport à la situation géopolitique du Mali. Ce pays n’a pas intérêt à tomber parce qu’il pourrait entraîner les autres pays  voisins qui sont déjà dans une situation difficile de déliquescence, en particulier dans la zone des trois frontières.  Donc on ne peut ajouter de la précarité à la précarité.

RB: Cette situation peut-elle être considérée comme un nouveau départ pour le Mali ?

Mohamed Amara : Tout dépend de son évolution. En effet,  c’est le quatrième coup d’Etat et j’espère que ce sera le dernier. En 1991, on était dans l’euphorie. On pensait que le Mali prenait un nouveau départ avec la démocratie. Mais en 2012, ce fut rebelote avec un coup d’Etat qui a mis le pays à mal. Par exemple les 2/3 du territoire ont échappé au contrôle de l’Etat malien suite à ce coup d’Etat qui a exacerbé la situation malienne. Donc ce 4e coup d’Etat du 18 août dernier peut être un nouveau départ pour le Mali si les Maliens se retrouvent autour de l’essentiel. Aujourd’hui l’essentiel pour le Mali,   c’est la question de la paix. Il faut qu’on arrive à reconstruire la paix,  qu’il y ait un vrai dialogue, de vrais dispositifs de cohésion, des politiques inclusives qui ne sont pas discriminatoires, qui permettent à l’ensemble de la communauté malienne peuhle, targui, bambara, songhay, dogon, bobo, etc., de se retrouver. Et ce, à partir de l’idée qu’elles sont des solutions à la reconstruction de la paix.  Donc cette situation peut être un nouveau départ si c’est pensé comme tel. Derrière ça, on doit lutter également contre la corruption : on essaie d’avoir des réformes novatrices par rapport à l’éducation, à l’accès à la santé pour que ça ne soit plus fait de façon inégalitaire.  Par rapport à la fiscalité, les recettes publiques devront permettre économiquement de développer le Mali.

mhamed 2RB: Alors que les autres puissances et institutions ont condamné le coup de force,  l'ambassadeur russe a été le premier diplomate étranger reçu en audience par l’armée au pouvoir. Quelle analyse faites-vous de cette situation ?

Mohamed Amara : Je pense que c’est quelque chose qui a plusieurs significations. Mais pour l’instant, je ne peux pas tenir un discours là-dessus parce qu’il n’y a rien qui prouve que derrière il y a des liens évidents entre les putschistes et la Russie. Pour l’instant, je ne peux pas qualifier ce lien parce que je ne dispose pas de preuves. On peut émettre l’hypothèse suivante pour rester sur les faits : c’est un signal fort sur la nouvelle donne géopolitique. Mais est-ce qu’avec le putsch, la Russie va entrer dans le jeu sachant que la France est la force la plus puissante militairement au Mali avec 5 100 soldats ? Et à côté de Barkhane,  on a les forces onusiennes avec 15 000 hommes. L’hypothèse est que la tectonique politique des relations internationales va certainement bouger.    Mais on n’a pas de preuves pour affirmer que les militaires ont des relations privilégiées avec  la Russie.

RB: Lors du rassemblement du  vendredi 21 août à la place de l’Indépendance, on pouvait lire sur plusieurs pancartes des éloges à la Russie. Quelle appréciation faites-vous de la politique étrangère russe au Mali ?

Mohamed Amara : 89 soldats nigériens ont été tués à Chinégodar. Ce n’était pas la première fois au Niger, au Burkina et au Mali qu’un nombre important de soldats tombe dans les attaques. Donc il y a eu un sentiment anti-Occident  qui s’est développé et qui était à l’origine du sommet de Pau le 13 janvier. Par la suite,   la Task force Takuba (Forces spéciales européennes) pour le Sahel a été créée. Déjà dans  ces manifestations anti-Occident,m on voyait les pancartes russes et d’autres puissances étrangères.  Je pense que c’était une façon de dire si les puissances occidentales ne peuvent pas nous aider à nous sortir de ce bourbier, pourquoi nous ne nous tournerions pas vers d’autres puissances ?  Mais je pense que les relations sont telles aujourd’hui avec la France et les pays du Sahel qu’il est très difficile de voir cela comme un retournement de situation. Cela peut être perçu par contre comme un sentiment de défiance.

A chaque fois que la situation est tendue entre les anciennes puissances coloniales et les Etats africains, il y a cette envie de liberté, de défiance. Mais au regard des relations actuelles, ces sentiments ne peuvent pas perturber aujourd’hui les rapports historiques entre la France et ces Etats.

Interview réalisée par Aly Tinto  

krikaÀ quand la fin des coups d’État en Afrique ? Certains répondront :  lorsque les présidents seront de véritables exemples de démocratie vertueuse. Sauf que cette affirmation n’a de pertinence que dans le lexique des théoriciens qui ignorent les réalités de la gouvernance. Existe-t-il au monde un seul dirigeant qui soit un véritable symbole de consensus ? Il faut avoir la franchise de l’admettre, en raison de sa nature humaine, aucun responsable politique n’est parfait. Les meilleurs dans le domaine le sont parce qu'ils ont appris de leurs multiples erreurs et su rectifier le tir.

Ibrahim Boubacar Keita peut être relativement perçu comme un piètre président africain qui aura été quelque peu sourd à la grogne qui était de plus en plus persistante dans les rues de Bamako. Il n’en a pas fallu plus pour que l’irréparable se produise. C’est ainsi que dans la nuit du mardi 18 au mercredi 19 août, des militaires, sous la houlette d’Assimi Goita, ont « débarqué » ce président démocratiquement élu. Les militaires du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) fraîchement créé par la junte ont donc profité des manifestations persistantes des civils, qui étaient pain béni pour eux, pour prendre le pouvoir. Et on peut affirmer sans risque de se tromper que l’opération n’a pas été spontanée mais planifiée en amont. La garde présidentielle était infiltrée par des éléments des forces spéciales pour faciliter la prise de la résidence présidentielle. Pour mettre dans l’embarras la communauté internationale, les nouveaux « hommes forts » du pays décident de ne pas mentionner le terme « putsch » dans leurs déclarations.

Démission forcée

Assimi Goita et ses hommes insistent et obtiennent d’IBK sa démission séance tenante sous peine de s’en prendre violemment à sa famille, véritable talon d’Achille du désormais ex-locataire du palais de Koulouba. Leur premier acte d’intimidation consistera à faire saccager et piller le domicile de son fils, Karim Keita.  Ils multiplient les déclarations et bloquent le fonctionnement des institutions. L’économie, déjà chancelante, est ainsi mise à rude épreuve. Pourtant après plusieurs années de tergiversations le Mali était enfin sur la bonne voie de la démocratie ; une éclaircie malheureusement compromise par les agissements de groupes armées avec la bénédiction ambiguë de grandes puissances qui jouent un double jeu dans le pays de Soundjata Keita.

Le retour incessant des militaires au pouvoir traduit la boulimie de ces derniers. De nombreux officiers ou chefaillons militaires africains caressent de plus en plus le secret espoir qu’un jour ils seront PRESIDENTS. Un indigeste mélange d’incivisme, de naïveté et de manipulation des civils leur en donne l’opportunité. A quoi sert-il d’organiser des élections aujourd’hui pour ensuite restituer le pouvoir à une bande de copains armés avec la bénédiction de civils d'ordinaire instrumentalisés ? N’existe-t-il pas d’autres moyens de destitution des dirigeants incompétents ? Une chose est sûre, ces putschs à répétition profitent aux grandes puissances. Pour s’en convaincre il convient d’observer ce qui se passe en Libye. L’exécution de Kadhafi, minutieusement planifiée par la France, continue d’avoir des conséquences incommensurables sur la zone sahélo-saharienne. 

Le Burkina et le Gabon : écoles de résistance aux putschs

Le mercredi 16 septembre 2015, vers 14h30, à quelques jours du lancement de la campagne présidentielle, des militaires de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle tentent de s’emparer du pouvoir sous le prétexte d’une exclusion du scrutin présidentiel de certains partisans du pouvoir déchu de Blaise Compaoré. Pourtant le sujet avait fait l’objet d’un vote au Conseil national de la transition (instance parlementaire postinsurrection). Le président de la Transition, Michel Kafando, et certains membres de son gouvernement sont alors pris en otage au palais présidentiel. Devant cette nième forfaiture perpétrée par un groupuscule de soldats, les populations, avec l’appui de la grande majorité des forces armées et de défense, sous la médiation avisée du Mogho Naaba Baongo, réussissent à rétablir l’ordre constitutionnel. Les Burkinabè, de 1966 à 2014, ont fini par être saturés des avènements cycliques des putschs qui impactaient de manière drastique le développement de leur pays. En rappel, ce coup de force du général Diendéré et de ses hommes avait même été qualifié de coup d’État « le plus bête du monde ». Mais c’était compter sans le ridicule de certains putschistes du continent. Le 7 janvier 2019, le commandant-adjoint de la Garde républicaine gabonaise, le lieutenant Ondo Obiang Kelly, prend la tête d'un commando à Libreville, et tente de renverser le régime démocratiquement élu du président Ali Bongo, en convalescence au Maroc. Ils déclarent l'instauration d'un Conseil national de restauration à la télévision nationale et appellent les populations à manifester dans les rues. Leur exhibition ne dépassera pas ce cadre. Ils seront arrêtés ainsi que leurs complices.

En somme, dans un État de droit, il importe de laisser le président aller au terme de son mandat s'il a été démocratiquement élu. Il appartient aussi aux institutions du pays de mettre en place des mécanismes susceptibles d’abréger le mandat d’un élu qui se serait illégalement et illégitimement illustré.

Les démocraties dont les pays d’Afrique s’inspirent, telles que la France, les Etats-Unis et l’Angleterre, en sont la parfaite illustration. Sinon comment expliquer que suite aux violentes manifestations des gilets jaunes, l’armée française n’ait pas mis un terme au pouvoir d’Emmanuel Macron ? Donald Trump, en dépit de ses nombreuses frasques et de ses manquements dans la gouvernance, résiste à la loi de la rue. Ses élucubrations racistes en réaction à la mort de George Floyd, un Afro-Américain âgé de 46 ans, le 25 mai 2020, provoquée par Derek Chauvin, un policier blanc de Minneapolis, aux États-Unis, n’étaient pas suffisantes aux yeux des Américains pour exiger une intervention de l’armée à son encontre. Les procédures de destitution sont régies sous d’autres cieux par des textes. En Afrique, elles le sont par la loi des armes. 

Une armée républicaine ne doit pas abuser des manifestations et des bouleversements sociaux pour s’ouvrir la voie royale de la présidence. Les coups d’État sont le plus souvent des coups d’éclat qui ne sauraient être la panacée à la mauvaise gouvernance en Afrique.

Pour dissuader d’éventuels putschistes, la communauté internationale et précisément les organisations ouest-africaines doivent rétablir IBK dans ses fonctions de chef de l’État. Mieux, les instigateurs de cet « assassinat de la démocratie » doivent être mis aux arrêts et sanctionnés conformément aux textes en vigueur au Mali. C’est l’ultime acte, la lueur d’espoir qui pourrait sauver ce pays et bien d’autres d’une usurpation contre-productive orchestrée par des soldats politiquement trop ambitieux.    

De la Côte d’Ivoire à la Guinée en passant par le Sénégal, le cas de Bamako doit faire cogiter.

Kandobi Yeda  

mlg uneAu Mali, un coup d’Etat a mis fin au régime d’Ibrahim Boubacar Keïta  (IBK)  le 18 août 2020. Les militaires mutins promettent d’assurer la continuité de l’Etat et d’organiser des élections « dans un délai raisonnable ». La rédaction de Radars Info Burkina s’est entretenue avec Mélégué Maurice Traoré, président du Centre parlementaire panafricain et du cabinet Africa Consult & Performances, pour avoir sa lecture de la situation en cours au Mali et s’enquérir des éventuelles répercussions de ces événements sur le climat politique des pays voisins. 

Radars Info Burkina (RB) : Président Mélégué Traoré, pouvez-vous vous présenter aux lecteurs de Radars Info Burkina ?

Mélégué Traoré (MT) : Je dirige le Centre parlementaire panafricain à Ouagadougou, qui appuie tous les Parlements sur le continent.  Je suis aussi le président du cabinet Africa Consult & Performances.

Nous faisons beaucoup de formations en légistique, en procédures parlementaires. La plupart des agents des protocoles d’Etat en Afrique de l’Ouest et Centrale sont formés dans ce centre. J’ai aussi été président de l’Assemblée nationale du Burkina, ministre et ambassadeur.

RB : Est-ce que la situation au Mali pourrait avoir des répercussions sur le Burkina Faso en termes de sécurité ?

MT : Cette situation était prévisible. Au départ, elle ne l’était pas. Mais ce genre de situation de crise qui traîne en Afrique se termine toujours par un coup d’Etat militaire ; surtout que le camp militaire de Kati au Mali est mythique à cause du nom Soundiata Keïta qu’il porte mais également parce que c’est la principale base militaire dans la zone. Je ne crois pas que cette situation aura un effet immédiat sur le Burkina Faso : ni au Burkina ni au Niger qui sont les deux pays voisins.  Je ne pense pas qu’elle aura des répercutions.

RB : Ce changement de régime avec des militaires qui prennent une fois de plus le pouvoir au Mali pourra-t-il impacter véritablement la lutte contre le terrorisme ? Ces militaires mutins reprochent un certain nombre de choses au régime déchu, notamment la non-prise en compte d’un certain nombre de besoins matériels, militaires ainsi que la corruption.

MT : Je ne crois pas qu’il aura un impact. Je connais bien le Mali, j’ai des parents là-bas. Je connais quasiment tous les hommes politiques de ce pays, qu’ils soient de l’opposition ou de la majorité. Je crois que la question malienne est beaucoup plus profonde qu’un simple changement de gouvernants. C’est l’Etat malien qu’il faut refonder complètement. La question de la corruption au Mali est très profonde. C’est valable dans tous nos pays, mais je pense qu’au Mali elle est encore plus profonde. Il me semble qu’il faudra aujourd’hui une espèce de conférence nationale où les gens se posent les vraies questions, acceptent de répondre ensemble, mais en forgeant une vision commune de l’avenir. Ce qui n’est pas le cas actuellement. Au Mali au niveau de la classe politique ainsi qu’au niveau de l’armée, chacun a son agenda. En plus, il y a une telle interférence entre la sphère militaire et la sphère civile dans ce pays que je ne crois pas que cette situation va changer grand-chose en ce qui concerne la lutte contre les terroristes. Toutefois, il est possible que si de nouvelles élections sont organisées et qu’il y a un nouveau gouvernement, ce gouvernement se donne vraiment un agenda national qui ne soit pas la sommation des préoccupations de groupes. C’est vrai que ça peut changer quelque chose. Sinon ce qui se pose actuellement comme problème au Mali, c’est la question même de l’Etat. Qu’est-ce que l’Etat malien exactement ? En quoi il existe véritablement aujourd’hui ?

mlg 2En droit un Etat, c’est un territoire, une population, un système de gouvernement. Mais cette définition ne veut pas dire grand-chose du point de vue pratique. Un Etat, c’est aujourd’hui une gouvernance efficace et qui répond aux besoins des populations. Cela suppose également une vision commune  de la classe politique. Il faut certainement qu’à un moment donné au Mali tout le monde accepte qu’il existe un seul Mali et non 2. Il n’y a pas un Mali à Bamako et un autre à Kidal. Tant que cette façon de faire n’aura pas changé, je crains qu’un simple changement de gouvernants ne puisse modifier les choses.

RB : A qui profite alors ce énième putsch ?   A l’armée malienne ou aux groupes terroristes en présence sur le territoire ?

MT : Sûrement pas à l’armée malienne. Chaque fois qu’on a des changements de ce genre, ils profitent à ceux qui ne sont pas dans le mainstream de l’Etat, c’est-à-dire aujourd’hui les terroristes. Parce que quoi qu’on fasse, ce sont eux qui ont le plus grand intérêt à l’inexistence de l’Etat malien. En plus, un pays ne peut pas se développer par une série de coups d’Etat à répétition, par une succession de transitions.  Il y a un minimum de continuum dans le  temps qui permet à l’Etat d’exister et d’être efficace. Maintenant une situation de transition  peut nous surprendre. Si c’est positivement, tant mieux. Mais je suis sceptique là-dessus.

RB : Certaines voix ont commencé à dire que certains chefs d’Etat ont commencé à trembler certainement, vu la situation au Mali. En effet, le président IBK venait d’être élu avec un pourcentage assez considérable à la tête du pays. Est-ce qu’on ne crée pas un précédent en faisant partir de la sorte un chef d’Etat récemment élu ?

MT : On peut certainement se dire que ça peut se produire ailleurs. Mais personnellement je ne crois pas que cela aura une influence quelconque. Vu la manière dont nos Etats sont gouvernés, ce n’est pas de là-bas que viendront les changements dans nos différents pays.  

RB : Est-ce qu’on pourrait dire qu’Alpha Condé en Guinée et Alassane Dramane Ouattara en Côte d’Ivoire, eu égard à l’évolution de la situation au Mali, doivent craindre pour leur régime ?

MT : Je ne le pense pas parce que nos pays sont certes voisins mais très différents du point de vue des traditions et pratiques politiques. Ça dépend toujours du chef de l’Etat et de la force du parti qui le soutient. Même si généralement l’expérience a montré que quand on renverse un chef de l’Etat on ne voit pas ses militants sortir pour le défendre. Donc il ne faut pas trop compter sur la force du parti.  Mais il n’est pas sérieux pour l’opposition politique en Côte d’Ivoire de dire que juridiquement le président Ouattara n’a pas le droit de se présenter. Ce n’est pas vrai. Il n’a pas le droit de se présenter à l’élection présidentielle à venir, s’il ne s’était agi que d’une révision constitutionnelle. Mais si vous acceptez dès le départ qu’il s’agit d’une nouvelle Constitution, il n’y a pas de raison qu’il ne puisse pas se représenter.

A propos de la limitation du nombre de mandats à deux, de mon point de vue ce n’est pas toujours très réaliste. En effet dans un pays africain où le mandat dure 5 ans, le président qui accède au pouvoir sait qu’il a au maximum 10 ans à faire. Les 5 premières années, il apprend.  La deuxième moitié, il sait qu’il va partir si bien qu’il détourne le plus possible. Tout le monde a copié aux Américains la limitation du nombre de mandats sans trop y réfléchir. Aux Etats-Unis, un consensus était vraiment fait au sein de la classe politique et dans la société.

Mais dans les autres pays, personne n’a jamais discuté des deux ans.

Je pense que pour la Côte d’Ivoire, ils feront les élections. En Guinée également, tel que je connais Alpha Condé, il va les faire probablement. Ce n’est pas la situation au Mali qui peut impressionner Alpha Condé.

RB : Comment voyez-vous la suite des évènements au Mali ?

MT : Nous sommes dans des Etats souverains. Ce n’est pas la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui dirige le Mali. La CEDEAO n’a aucune compétence pour les affaires intérieures du Mali, l’ONU non plus. S’il y a des changements, ils ne peuvent venir que de la dynamique interne. La CEDEAO peut toujours dire ce qu’elle veut mais ce sont les Maliens qui décideront.  

En ce qui concerne les intentions des militaires, pour le moment j’ai l’impression qu’ils ont des ambitions limitées, ce qui est déjà bien. Mais même quand ils auront fait de nouvelles élections comme ils le veulent, il faudra certainement à un moment donné s’arrêter et se demander ce qu’est l’Etat malien. Où est-ce qu’on veut aller ? La question de l’Etat malien restera posée.

Propos recueillis par Richard Tiéné et Aly Tinto 

 

opti unAprès 7 ans à la tête du Mali, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a été contraint à la démission ainsi qu’à la dissolution de l’Assemblée nationale et du gouvernement le mardi 18 août 2020. Les militaires mutins, qui ont annoncé la création du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) ce jour, mercredi 19 août, promettent d’assurer la continuité de l’Etat et d’organiser des élections « dans un délai raisonnable ». Pour une analyse de cette nouvelle page de l’histoire du pays de Soundiata Keïta, Radars Info a pris langue tour à tour avec Siaka Coulibaly, analyste politique, Me Apollinaire Kyelem de Tambela, avocat et directeur du Centre de recherches internationales et stratégiques (CRIS), et Michael Shurkin, analyste politique senior à la Corporation RAND, qui travaille particulièrement sur la sécurité en Afrique de l'Ouest, précisément dans le Sahel.

Selon Siaka Coulibaly et Me Kyelem, ce qui arrive au Mali était prévisible. «Le pays sombrait dans le chaos. Les militaires, qui sont le rempart de la sécurité, ne pouvaient continuer de soutenir un pouvoir qui n'avait plus d'emprise ni sur le pays, ni sur la population. Ils auraient manqué à leur mission », a réagi l’homme de droit.

« J’avais aussi annoncé ce dénouement lors d’une émission sur les ondes de la radio nationale le 2 août 2020. Le M5-RFP et les jeunes manifestants étaient déterminés à aller jusqu’au bout. Après la manifestation du 18 juillet qui a vu la mort de onze manifestants, selon l’ex-Premier ministre Boubou Cissé, l’opinion malienne profonde avait basculé en défaveur d’IBK. 

opti 2Ce n’était donc, dès lors, qu’une question de jours pour qu’il quitte le pouvoir. Il ne faut surtout pas considérer l’issue malienne comme une prise de pouvoir des militaires sur le modèle des années 80 (coups d’Etat secs). La partie consciente de l’armée s’est sentie responsable d’une situation nationale en sérieux péril », a soutenu pour sa part Siaka Coulibaly.

S’agissant de l’évolution de la situation, Me Kyelem a affirmé que le pays connaîtrait un nouveau départ. « Les nouveaux dirigeants maliens sauront éviter les erreurs que la transition burkinabè a commises. La transition ne devrait pas devenir un régime politique influencé par un groupe d’intérêt partisan particulier qui tirerait profit de la situation pour régler des comptes à ses adversaires ou se tailler la part du lion. Cette fois-ci, l’émergence d’une jeunesse de plus en plus consciente est une garantie de sauvegarde de l’indépendance malienne en matière de politique intérieure », a avancé Siaka Coulibaly.

« Une nouvelle histoire commence pour le Mali. Mais elle peut trop ressembler à l'ancienne, surtout si elle donne naissance encore une fois à un régime inefficace, mené par des dirigeants qui cherchent à se maintenir au pouvoir et à s'enrichir », a affirmé Michael Shurkin.

opti 3La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a pris hier mardi des sanctions contre le Mali. « Les militaires n'ont fait que répondre aux aspirations de la population. Les prétendues sanctions de la CEDEAO ne peuvent donc se justifier. Il revient aux peuples de prendre leur destin en main et à la CEDEAO de s'adapter aux aspirations des peuples si elle veut conserver sa crédibilité », a critiqué Me Apollinaire Kyelem. 

M. Coulibaly abonde dans le même sens et estime que les dirigeants ouest-africains doivent savoir raison garder et que la sagesse prédomine dans leurs décisions envers le Mali

«La CEDEAO devrait prendre le temps de bien étudier la situation au Mali avant de prendre quelque décision que ce soit. Dès lors qu’une démission formelle du président en exercice est disponible, juridiquement, la situation n’est plus à considérer comme un coup d’Etat classique. C’est la jurisprudence Burkina Faso octobre 2014, et elle devrait s’appliquer au Mali présentement. Des sanctions contre le Mali ne vont-elles pas favoriser les terroristes ? Sans compter la dimension économique », s’est-il interrogé.

Le Mali, à l’instar de ses voisins du Sahel, traverse une situation d’insécurité sans précédent et selon Michael Shurkin, les impacts de ces éléments sur la stabilité du pays peuvent être graves. « Le coup diminue la légitimité de l'Etat et pour l'instant, l'Etat n'a pas de direction. Il est essentiel que la junte et les autres dirigeants se mettent en accord vite pour rebâtir le gouvernement. Mais cela va être difficile. La junte parle d’organiser des élections, mais même organiser des élections dans un pays avec tant d'insécurité est un grand défi », a-t-il expliqué.

Aly Tinto

jrnl uneIbrahim Boubacar Keïta a finalement été contraint à la démission ainsi qu’à la dissolution de l’Assemblée nationale et du gouvernement le mardi 18 août 2020 à minuit après son arrestation et celle de plusieurs officiels par les militaires. Très tôt mercredi matin, ces mutins ont justifié leur acte par la mauvaise gouvernance, l’insécurité grandissante dans le pays et annoncé la création du Comité national pour le salut du peuple (CNSP). Ils promettent d’assurer la continuité de l’Etat et d’organiser des élections « dans un délai raisonnable ». Radars Info Burkina a pris contact avec Séga Diarrah, journaliste et analyste politique malien, pour avoir sa lecture de la situation qui prévaut actuellement dans son pays.

Radars Info Burkina (RB) : Etes-vous surpris de la situation qui prévaut au Mali depuis hier mardi ?

Séga Diarrah (SD) : Non. L'irruption des militaires sur la scène politique pour « débloquer » la situation était prévisible. Le président Keita a refusé pendant plusieurs semaines d'écouter les cris de détresse du peuple malien. Face à l'échec de la médiation de la CEDEAO, les soldats ont donc décidé d'agir pour « débloquer » le pays.

jnl 2RB : Ce coup de force est-il un sursaut d'honneur dans l'armée malienne pour siffler la fin de la récréation après le récent rapport des experts de l'ONU qui accuse la direction de la Sécurité de l’Etat et plusieurs de ses hauts responsables d’avoir entravé le processus de paix ?

SD : Absolument. Je pense que la diffusion du rapport de l'ONU a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.

RB : Peut-on parler de connexions entre les militaires et le M5-RFP ?

SD : Pas vraiment. Cependant, le premier discours des militaires est rassurant. Ils ont juste achevé la révolution citoyenne et pacifique lancée par le M5 RFP pour éviter des pertes en vies humaines.

jnl 3RB : Etes-vous optimiste quant à l'évolution de la situation ?

SD : Oui, j'ai confiance en avenir du Mali. Rien ne sera plus comme avant, car le peuple malien est un peuple déterminé et qui reste debout.

RB : Mais n’y a-t-il pas des raisons d’être inquiet, d’autant plus que les militaires n'ont pas établi de calendrier clair de la suite des événements ?

SD : Non, je pense qu’il est trop tôt pour parler de calendrier. Les militaires ont parlé de concertations. Il est donc souhaitable d’attendre quelques jours avant la mise en place des organes de transition, qui doivent être inclusifs et représentatifs.

RB : Les sanctions de la CEDEAO sont-elles justifiées, vu que le chef de l'Etat a démissionné ?

SD : Depuis le début de la crise, la CEDEAO n’a pas voulu comprendre la demande du peuple malien. Cette organisation sous-régionale est devenue un syndicat de chefs d’État. Le président Keita a démissionné. Si une transition civile et citoyenne se met en place, il n’y a pas de raison de maintenir les sanctions.

Interview réalisée par Aly Tinto

 

pop uneLes élections couplées du 22 novembre au Burkina Faso, l’opposition politique a décidé d’y aller en rangs serrés. C’est dans cette logique que ce mardi 18 août 2020 dans la salle de conférences de Ouaga 2000, 9 candidats à la présidentielle et 22 formations politiques ont procédé à la signature d’un accord politique de 8 chapitres et 36 articles devant un huissier. « L’Opposition politique burkinabè a posé ce matin un acte dont la portée historique n’est plus à démontrer. Elle l’a posé pour le Burkina Faso, pour notre démocratie et pour elle-même », s’est réjoui Zéphirin Diabré, chef de file de l’opposition politique.

Pour l’événement du jour, c’est vêtus de tee-shirts à l’effigie de leurs candidats ou comportant le logotype de leurs partis que les militants des partis de l’opposition ont afflué à la salle de conférences de Ouaga 2000. Et c’est sous des ovations nourries que les candidats Zéphirin DiabréEddie Komboïgo, Gilbert Noël OuédraogoKadré Désiré Ouédraogo, Victorien Tougouma, Dieudonné Bakouan et Ablassé Ouédraogo ont fait leur entrée dans ladite salle. Les candidats Tahirou Barry et Yacouba Isaac Zida, eux par contre, n’ont pu faire le déplacement. A presté avant la lecture intégrale de l’accord politique par le député Adama Sosso la troupe traditionnelle kassena Nemarô.
« L’objectif commun des parties à l’accord est la réalisation de l’alternance politique au Burkina Faso, dans la perspective d’offrir une alternative au peuple burkinabè à l’occasion des consultations électorales de 2020 », lit-on à l’article 3 de cet accord politique.
pop 2En matière d’obligations des parties à l’accord, au chapitre II, il est écrit à l’article 8 : « Les parties à l’accord s’obligent à soutenir celui des signataires du présent accord qui arriverait au second tour de l’élection présidentielle de 2020. Ce soutien se fera par appel public et toute autre forme de stratégies et/ou d’actions non interdites par la loi au plus tard dans les 24 heures qui suivent la proclamation des résultats définitifs du premier tour par le Conseil constitutionnel. »

Et l’article 9 de préciser : « Les parties à l’accord s’obligent à désavouer, immédiatement et publiquement, tout signataire du présent accord, tout cadre ou responsable d’un parti, formation politique ou mouvement appelant à soutenir tout autre candidat en violation de l’article 8 ci-dessus, ou appelant les électeurs à s’abstenir de voter. »

Plus loin à l’article 11, on peut lire ce qui suit : « Dans le cas ou deux candidats signataires du présent accord arrivent au second tour de l’élection présidentielle, chaque partie à l’accord est libre de soutenir le candidat de son choix. » 

pop 3Le chapitre III de cet arrangement politique ficelé par l’opposition politique est, lui, consacré la gestion du pouvoir d’Etat après les élections. L’article 14 dispose que « le président du Faso issu du présent accord s’oblige à associer toutes les forces ayant concouru à son élection à la gestion du pouvoir d’Etat tout au long du mandat, sauf désaccord politique grave constaté par les parties à l’accord ».

Et l’article 15 de poursuivre : « Les parties à l’accord représentées à l’Assemblée nationale s’obligent, en cas de majorité parlementaire, à gérer collégialement tous les organes et postes administratifs à l’Assemblée nationale dans le respect des textes en vigueur ». « Après la cérémonie publique de signature, tout candidat, tout parti ou formation politique qui souhaite adhérer à cet accord fait une demande écrite adressée au président de la conférence des candidats. Il informe en même temps l’opinion, par le biais d’une déclaration publique, de sa volonté d’adhérer à l’accord. Il est alors autorisé à signer l’accord et en devient partie prenante », lit-on à l’article 32.

Tour à tour, les candidats présents à la salle de conférences de Ouaga 2000, après que l’accord a été lu, y ont apposé leur signature sous la supervision de Maître Arthur Somé, huissier de justice. Ensuite, ce fut aux partis et formations politiques de procéder à la signature.

« L’Opposition politique burkinabè a posé ce matin un acte dont la portée historique n’est plus à démontrer. Elle l’a posé pour le Burkina Faso, pour notre démocratie et pour elle-même. L’objectif, c’est de favoriser l’alternance dans notre pays et d’apporter une alternative nouvelle qui réponde aux besoins présents exprimés par notre peuple. C’est l’occasion pour moi, en ma qualité de chef de file de l’opposition politique, de remercier l’ensemble des partis politiques, mouvements politiques et également l’ensemble des candidats ici présents ou empêchés qui ont montré un grand signe d’engagement, de solidarité et de détermination en permettant d’arriver à la signature de cet accord », s’est réjoui Zéphirin Diabré.
S’agissant du respect de cet accord, Eddie Komboïgo a assuré que « le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) a toujours respecté ses engagements. Quel que soit le candidat au second tour, notre parti le soutiendra. Le CDP ne recule pas et ne trahit pas».

Aly Tinto 

indp une5 août 1960 - 5 août 2020 : le Burkina Faso célèbre aujourd'hui le 60e anniversaire de son accession à la souveraineté nationale et internationale. Le «Pays des hommes intègres », à l’instar de ses voisins du Sahel, traverse une crise sécuritaire sans précédent doublée d’une crise humanitaire. Le Burkina Faso compte 921 471 déplacées internes à la date du 7 juin 2020. La sécurité est donc l’un des grands défis qu'il urge pour lui de relever.

«Cette année, nous célébrons cette date historique dans un contexte marqué par la persistance des attaques terroristes et la pandémie de coronavirus. Face à ces fléaux, nous avons su nous battre et nous adapter. C’est pourquoi je voudrais exprimer ma profonde reconnaissance aux forces de défense et de sécurité et aux personnels de santé pour les sacrifices consentis », a indiqué le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré.  

Le Dr Seydou Ra-Sablga Ouédraogo, économiste-chercheur, directeur exécutif de l'institut Free Afrik, s’exprimant ce matin du 5 août sur les ondes de Radio France internationale (RFI), a d’abord regretté « le visage communautaire que tend à prendre aujourd’hui l’insécurité ».

indp 2Il a ajouté : «Ce terrorisme a plusieurs causes et il remonte à la dislocation de la Libye avec la circulation des armes et des combattants jusque dans le Sahel. C’est une contagion régionale, sahélienne. Mais il y a également des causes internes. Ce sont des inégalités territoriales très importantes qui ont été construites au cours des 30 dernières années à travers des politiques d’infrastructures largement centrées sur la capitale et quelques villes. Mais l’intérieur du pays a beaucoup été délaissé, si bien qu’il y a des populations jeunes de l’intérieur du pays qui vivent aujourd’hui dans un sentiment d’injustice qui les met en difficulté vis-à-vis du recrutement terroriste. Donc le terrorisme a aujourd’hui un pied endogène qui nous inquiète.»

En matière économique, l’économiste-chercheur a souligné que le secteur des mines est l’un de ceux ayant un énorme potentiel qui peut profiter au pays.

«L’essor minier au Burkina a commencé depuis 2008 à la faveur des cours très élevés de l’or qui se maintiennent à des moyennes très bonnes. Les prospectives nous indiquent que le cours de l’or va être toujours élevé dans les années à venir, en raison également de la pandémie de coronavirus. Par conséquent, c’est un secteur qui engendre beaucoup de profits », a-t-il relevé.

Pour lui, ce secteur a une grande capacité à générer des recettes ; par contre, sa capacité à redistribuer est faible. « C’est pour cela que les politiques de redistribution doivent être bâties à partir des ressources tirées de ce secteur.      En plus, les 15 mines industrielles dans le pays sont toutes étrangères. Même la fourniture locale intègre peu les secteurs privés burkinabè », a indiqué le Dr Ouédraogo.

Il a salué la mise en place du Fonds minier de développement local.  « Il est un puissant outil de redistribution et il faut lutter pour que, d’une part, il soit approvisionné et que, d'autre part, la gestion dudit fonds, en particulier par les autorités locales, soit faite en faveur des priorités d’investissement », a-t-il suggéré.  

Aly Tinto

hvt une4 août 1984 - 4 août 2020 : il y a 36 ans que le capitaine  Thomas Sankara, après une année de prise du pouvoir, renommait l’ancienne Haute-Volta Burkina-Faso, le «Pays des hommes intègres », pour rompre avec le passé colonial. Le drapeau, l’hymne national, la devise ont connu également des changements. Radars Info Burkina a approché Mélégué Maurice Traoré, homme politique et diplomate de carrière, et Armand Son, sociologue, pour une lecture du changement de dénomination du pays et de son impact sociopolitique.

 «Quand le nom a été changé, j’étais premier conseiller à l’ambassade du Burkina Faso à Washington aux Etats-Unis. Mais nous avons vécu cette situation comme toutes les structures de l’administration burkinabè, de manière divisée dans les ambassades d’ailleurs parce qu’on ne savait pas quelle était l’origine du changement, ni par quel mécanisme le changement avait été opéré.

Il a fallu un peu de temps pour qu’on ait tous les éléments en la matière. Le gouvernement n’a pas expliqué aux ambassades d’où venait ce changement. A Washington, nous avions beaucoup de demandes des universités qui voulaient savoir pourquoi ce changement de nom, et qu’est-ce que ce nouveau nom apportait. On n’était pas en mesure de répondre. On a pris un peu de temps dans les ambassades pour pouvoir répondre aux interlocuteurs de nos missions diplomatiques », a d’abord expliqué Mélégué Traoré.

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Selon lui, en matière de dénomination des Etats il ne faut pas chercher une logique. Les sources dans ce domaine sont tellement diversifiées qu’il n’y a pas  de critère absolu.

Pour Monsieur Traoré la portée de ce changement a été grande par la suite. «Le changement, c’était un des symboles de la Révolution. Ca fait partie des vecteurs du changement. Ensuite l’autre portée, à partir du moment où on a eu un nouveau nom, les Voltaïques d’avant ont été amenés à se concevoir autrement. On a présenté la dénomination comme participant de la nouvelle existence du Burkina Faso. Certains expliquaient à l’époque que c’était une nouvelle indépendance qu’on acquérait », a-t-il indiqué.

Pour le diplomate, c’est très ambitieux d’imaginer que tout un peuple soit intègre. « La preuve, par la suite le fait de s’appeler pays des hommes intègres ne rend pas aujourd’hui les Burkinabè plus intègres que les autres dans la sous-région. On crée sa propre valeur mais ça ne vient pas du nom qu’on porte », a-t-il soutenu.

«Jusqu’aujourd’hui, on continue d’appeler le Burkina Faso le pays des hommes intègres. Mais cette dénomination n’a été réelle que sous la Révolution. Aujourd’hui nous ne pouvons pas dire que nous sommes toujours un pays des hommes intègres parce que la corruption est devenue une gangrène. S'ajoutent  à cela  les détournements de fonds et l‘injustice », a relevé, pour sa part, Armand Son.

Mélégué Traoré est revenu sur des faits ayant entouré le changement de dénomination du pays.  « En français, il n’y a jamais è à la fin des mots. C’est pour cette raison que dans les ordinateurs il est toujours écrit  Burkinabé. Léopold Sédar Senghor, meilleur grammairien de l’Afrique, a publié plusieurs articles pour critiquer le fait qu’on mette è a la fin. Par la suite le Quid, un document sérieux qui paraît chaque année, a essayé en 1984 de corriger le terme en écrivant au pluriel Burkinabais. J’ai décidé d’écrire au Quid pour leur dire que c’était bien Burkinabè parce que ce n’est pas du français. Donc on ne peut pas appliquer la règle de la grammaire française au nom », a-t-il souligné.

Il a fait savoir qu’avec ce changement de nom, le pays a présidé le Conseil de sécurité pour une deuxième fois suivant la règle de l’ordre alphabétique. 

«Jusqu’à ces changements avec la Révolution, le Burkina Faso était plutôt un objet et non pas un sujet en matière de relations internationales. On rasait les murs aux conférences internationales. Mais à partir de la Révolution, on marchait la tête haute », a conclu Mélégué Maurice Traoré.  

Aly Tinto

nab uneAu premier numéro du Club de la presse physique initié par le Centre national de presse Norbert-Zongo (CNP-NZ) le 1er août 2020, qui avait pour thème «Organisation des élections couplées de 2020 : Etat des lieux du processus électoral», Newton Ahmed Barry, président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), qui en était l’invité, a abordé la question des propositions de réforme du fichier électoral faite à son arrivée à la tête de l'institution chargée de l'organisation des élections.  Une situation qui avait en son temps occasionné une crise au sein de ladite structure.

Selon Newton Ahmed Barry, « l’une des tares de notre système d’enrôlement des électeurs est que le système actuel permet que les partis politiques contrôlent l’électorat. Ils savent comment les faire enrôler. Ce que nous proposions comme réforme échappait totalement aux partis politiques ».

Ainsi, il a d’abord proposé l’utilisation de la base de données de l’Office national d’identification (ONI), à savoir la Carte nationale d'identité burkinabè (CNIB), pour constituer le fichier électoral.

«La loi dispose que le fichier électoral doit être biométrique. Les cartes d’identité burkinabè sont biométriques. Selon les prévisions de l'Institut national de la statistique et de la démographie (INSD), depuis 2015 déjà on nous dit que nous pouvions avoir plus de 8 millions d’électeurs. En 2020 normalement nous avons 10 millions d’électeurs selon les projections de l’INSD.   Il se trouve que depuis 2012, on atteint  difficilement 5 millions d’électeurs.  Est-ce parce que les projections de l’INSD sont fausses ? La seule façon de vérifier cela, c’est d’interroger l’état civil. Or notre état civil le plus organisé aujourd’hui, c’est la base de données de la carte d’identité », a expliqué le président de la CENI.  «Quand je suis allé faire ce travail je me suis rendu compte qu’il y avait près de 8 500 000 Burkinabè qui avaient leur CNIB à jour et qui avaient 18 ans et plus. Donc normalement nous devrions au minimum avoir un ficher électoral de 8 500 000 électeurs potentiels. Alors, pourquoi on doit se fatiguer et parcourir les campagnes, dépenser chaque année 9 milliards de francs CFA pour aller recruter moins de 600 000 nouveaux électeurs?», s’est interrogé Newton Ahmed Barry.

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Toujours au titre de la mobilisation des ressources, il a fait savoir que désormais il faut prévoir pour chaque révision du fichier électoral près de 15 milliards FCFA pour l’enrôlement des Burkinabè de l’étranger. Et l’année où on change de kits, il faut prévoir entre 30 et 40 milliards FCFA.

«Le travail, simple, consistait en deux choses qui nous auraient permis d’économiser près de 35 milliards cette année. D'abord, au lieu de se faire établir chaque fois des cartes d’électeurs qui ne servent qu’une seule fois, on prend la CNIB comme carte d’électeur. Ensuite, au lieu de parcourir les campagnes, on prend la base de données de l’ONI. Mais comme on ne peut pas transvaser la base de données de l’ONI dans le fichier électoral, il fallait mettre au milieu un dispositif technique performant qui permet de satisfaire l’obligation de consentement. Comme la loi le dit, l’inscription sur le fichier électoral est volontaire.  En plus, nous avons aussi la base de la téléphonie mobile. En 2018, il y avait près de 16 millions de Burkinabè qui avaient un numéro de téléphone portable. Donc en combinant intelligemment ces données, on arrive à mettre une plateforme qui permet de faciliter l’enrôlement des électeurs », a-t-il soutenu.

En outre, dans cette réforme du fichier électoral, il avait proposé un dispositif pour extraire les morts du fichier électoral. « Selon le Code électoral, la CENI peut radier les morts. Dans chaque village, nous avons une liste. On peut trouver trois personnes-ressources à qui on va soumettre la liste du village et qui vont nous communiquer les noms des personnes décédées. Par la suite, la CENI prend la précaution de contacter les familles », a précisé M. Barry.

«Les hommes politiques aiment les situations de confort, En d'autres termes, ils sont à l’aise avec ce qui existe actuellement. Pourtant normalement un fichier électoral doit être intègre, fiable et à la disposition des élections. Autrement, on bascule dans ce qu’on appelle l’électorat captif, ce qui est un poison pour la démocratie. Les partis politiques étant surreprésentés à la CENI, naturellement il fallait s’attendre à une fronde de leurs représentants, auxquels se sont adjoints des représentants de la société civile.

Quand je faisais ces propositions, la situation sécuritaire n'était pas celle d'aujourd’hui. Si nous avions adopté cette réforme du fichier, nous n'aurions pas eu de soucis pour l’enrôlement des électeurs dans les 9 000 villages. Nous serions actuellement en train de concentrer nos efforts sur la sécurisation du vote », a-t-il conclu.

Aly Tinto

 

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